Socialiste et chrétien: une voix originale

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Socialiste et chrétien: une voix originale

21 février 2003
Les socialistes chrétiens romands donnent un nouvel élan à leur fédération
L’occasion de présenter ce mouvement non confessionnel mais qui revendique sa foi et cherche à dresser des ponts entre humanisme de gauche et Evangile. Ca s'appelle « L'Espoir du monde ». Une publication de gauche ? Certainement. Socialiste, même. Mais des socialistes pas tout à fait comme les autres, puisque ce petit bulletin est celui des socialistes chrétiens romands.

Née en 1908 en France, présente dès 1914 sur sol helvétique, leur Fédération cherche un nouveau souffle et vient de se doter de statuts afin de gagner en visibilité. Histoire de ne pas subir le même sort que les groupements français et belges, disparus, faute d’adhérents. Les membres de ce mouvement non confessionnel, - historiquement attaché au protestantisme, car né dans les cantons réformés -, revendiquent leur foi en Jésus-Christ en même temps que leurs aspirations sociales. « A l’origine, il s’agissait de gens voulant affirmer leurs convictions chrétiennes tout en étant membres d'un parti ou appartenant à des mouvements de gauche plutôt anticléricaux », explique le secrétaire général Jean-François Martin, enseignant à Vevey.

Manifester une conscience sociale au nom de l'Evangile. S'engager pour davantage de justice sous l'étiquette de chrétien. Des volontés longtemps considérées comme inconciliables. « Aux yeux de l’institution ecclésiale, les partis de gauche ont longtemps été considérés comme le symbole de l’athéisme, les militants ne se gênaient pas pour bouffer du curé », rappelle Jean-François Martin qui a effectué une recherche historique sur le sujet. Sans doute est-ce pour cela que le grand public continue parfois à associer foi chrétienne et conservatisme. Il est vrai que la présence chrétienne sur la scène politique fédérale, de l'UDC à l'Union démocratique fédérale (évangéliques suisses allemands), ne contribue guère à battre en brèche ce cliché.

Depuis de nombreuses années, les Eglises montrent pourtant une conscience certaine de leur responsabilité sociale, multipliant leurs engagements auprès des défavorisés. Et les prises de positions officielles de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) ou de la Conférence des évêques n'ont pas grand chose à voir avec le programme du parti blochérien. " Dans les paroisses, on accepte donc plus volontiers que des chrétiens affirment leurs convictions de gauche ".

Pour autant, impensable d’aller faire de la retape à la sortie du culte pour recruter des membres. Le comité est convaincu que beaucoup de gens méconnaissent un mouvement qui pourtant les intéresserait. « Nos relais se trouvent donc plutôt sur le terrain, par exemple au sein des oeuvres d’entraide. Les gens qui nous rejoignent sont d’ailleurs souvent déjà engagés ailleurs ». Nul besoin de s'inscrire au parti à la rose pour devenir membre des socialistes chrétiens. « Parmi notre centaine d'abonnés, il y a un peu de tout: quelques catholiques, des pasteurs, des représentants syndicaux, des enseignants. Certains font de la politique, d'autres pas du tout ! », note à Neuchâtel Didier Rochat, le nouveau président. Lui aussi est théologien, il fut même pasteur durant plusieurs années en Suisse allemande avant de comprendre que là n’était pas sa place et d’entreprendre un master en administration publique. « J’aime bien notre devise qui affirme que nous sommes socialistes parce que chrétiens. L’humain prime. Notre lecture critique du développement humain ou économique se fait en reconnaissant l’autre comme une créature divine qui a le droit de vivre dans la dignité et de s’épanouir ».

§Une éthique chrétienneAvec d’autres, Didier Rochat ne doute pas qu’il existe une éthique chrétienne ayant quelque chose à dire et à apporter au monde. « En vrac, et sans souci d’exhaustivité, donner la primauté au politique sur l’économique, au partage plutôt qu’au bénéfice, préférer la justice sociale à l’exploitation en créant des conditions cadre permettant à chacun de s’assumer », précise Didier Rochat qui voit l’association comme une « plate-forme de dialogue » qui dépasse les idéologies préfabriquées, notamment lors de journées de réflexion plutôt courues. Ainsi, les socialistes chrétiens ne peuvent se réclamer d’un humanisme absolu, « fermement décidés à se réclamer d’une transcendance ». Au niveau des communautés, leur Fédération aimerait aussi pousser les croyants à s’engager, à « apparaître et à s’affirmer en tant que chrétiens, ce qui n’est pas évident de nos jours ».

Des propos que ne contrediraient pas les ministres connus pour leurs opinions et leur engagement en faveur des laissés pour compte. Dans le canton de Vaud, Jean-Pierre Thévenaz, du service communautaire solidarité - exclusions, est de ceux-là. L’un des responsables, aux niveaux cantonal, national et même européen, de la réflexion des Eglises en éthique sociale, milite pour « introduire dans le vaste débat du monde la revendication de la dignité humaine, la critique des dominations de toutes sortes, au nom de la foi en Jésus-Christ ». Théologiquement, souligne Jean-Pierre Thévenaz, cette voix se fonde sur la « croyance qu’une idole ne peut remplacer Dieu et que l’Evangile nous invite à travailler sur les tensions, les contradictions du monde ».