Elias Chacour, témoin d’une espérance

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Elias Chacour, témoin d’une espérance

23 janvier 2003
Le célèbre prêtre palestinien est de passage en Suisse romande
Trois fois candidat au Nobel, lauréat du prix Niwano, l’un des grands bâtisseurs de paix de notre temps raconte son histoire, celle de sa lutte pour une coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens. Témoignage étonnant que celui d’Elias Chacour. De passage en Suisse romande, ce prêtre palestinien devenu depuis six mois l’un des évêques de Jérusalem, vient « mendier de l’amitié, pas de l’argent et encore moins de la haine. Nous ne voulons pas de la fraternité de ceux qui avouent avoir changé de camp, nous aimer pour mieux détester les Israéliens ».

La vie de l’auteur du célèbre « Frères de Sang », lauréat du prix Niwano pour la paix et cité trois fois au prix Nobel, raconte tout le drame du Moyen Orient. Biram, le village de haute Galilée où il est né en 1939, devient israélien par une décision de l’ONU en 1948. Lorsqu’il sera rasé par Tsahal, quatre ans plus tard, Elias Chacour aurait dû faire le choix de la haine. « Sans Dieu je serais un terroriste sans espoir », avoue-t-il volontiers, la barbe prophétique et le regard perçant. Ordonné en 1965, il appartient à cette petite minorité de chrétiens palestiniens qui a choisi de rester sur leur terre natale. « 75% d’entre nous ont fui ou sont dans des camps de réfugiés. Il y a 20 ans, 60% de la population de Bethléem était chrétienne. On en dénombre désormais pas plus de 15% ».

§L’histoire d’un symboleElias Chacour décide alors de construire la paix là où il est. C’est l’histoire rocambolesque d’un symbole, celle de l’école qu’il fonde en 1982 à Ibillin, près de Nazareth. Alors qu’il est en charge dans ce village, il commence par installer une bibliothèque avant de décider de créer des classes où tous les jeunes pourraient se retrouver côte à côte. Le permis de construire lui est refusé. Il passe outre, parce « qu’aucune loi respectable ne peut empêcher un enfant de s’instruire ». L’autorité israélienne menace, mais le renfort de dix-huit volontaires saint-gallois venus construire les fondations la contraint à ne pas intervenir. Aujourd’hui, l’institut « Mar Elias » accueille 4'500 élèves palestiniens et juifs venus apprendre par-dessus tout à vivre ensemble. Dans quelques mois, Elias Chacour espère l’aboutissement d’un autre projet, l’ouverture de la première Université qui sera pour « tous les étudiants, quel que soit leur drapeau ou leur confession. Parce que la paix se construira là, pas avec les armes au milieu des morts ».

Pour lui, l’espoir réside dans cet urgent dialogue avec l’ennemi, dans l’acceptation réciproque qu’aucun des deux camps ne peut revendiquer un contrôle absolu sur la terre des ancêtres. Comme le proclame le titre de l’un de ses ouvrages, « Nous appartenons à la terre », et non le contraire. « Il existe des conflits qui n’ont pas de solution. On peut simplement l’accepter en évitant de détester l’autre. Chaque jour, des deux côtés de la frontière, passent des processions funèbres. C’est absurde. Et j’ai peur pour Israël si elle croit que les armes la protégeront, alors que seule l’amitié avec ses voisins garantira sa survie ». Une fraternité possible entre « ces enfants d’Abraham », qui a d’ailleurs existé durant des siècles : « L’inquisition, l’Holocauste ne sont pas survenues dans les pays arabes. Et Damas fut longtemps le meilleur refuge pour les Juifs. Là réside l’espérance. Il faut simplement la redécouvrir, en n’utilisant pas des arguments religieux pour justifier un conflit politique. En tant que chrétien, j’ai autant de droit sur Jérusalem qu’un juif ou un musulman : celui qui se réclame de Dieu pour dominer l’autre n’est rien d’autre qu’un criminel ».

§UTILE

Elias Chacour donne une conférence vendredi à 20h15 au collège de Terre Sainte à Coppet. Une collecte sera réunie pour soutenir son action.