« Sainte colère » de Lytta Basset :Empêcher le tragique d'avoir le dernier mot

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« Sainte colère » de Lytta Basset :Empêcher le tragique d'avoir le dernier mot

17 décembre 2002
Une sainte colère peut structurer la foi. Lytta Basset prend le contre-pied de l’enseignement d’un christianisme culpabilisant qui a trop longtemps prôné le refoulement de la violence qui nous habite et celle qui nous est faite
Pas question pour la théologienne de crever en silence de l’injustice qui nous déchire, de donner au tragique le dernier mot. Il faut affronter sa colère, mais aussi l’autre qui nous a blessé et même Dieu. Car le salut se trouve dans la relation et le face à face.Aux ravages d’une colère niée, ignorée ou tournée contre soi, Lytta Basset, pasteure et professeur de théologie à la Faculté de théologie de Lausanne, préfère une colère identifiée, acceptée, constructive, qui sépare et met fin au fantasme de fusion et peut devenir une force de vie.

L’auteure de « Sainte colère » ne se paie pas de mots. Elle sait au plus intime d’elle-même de quoi il retourne, connaît bien la quête désespérée de justice qui se cache derrière l’explosion de colère. « Comment Dieu a-t-il permis cela ? » Question vertigineuse dont il ne faut surtout pas faire l’économie. La peur de l’affrontement avec soi, avec ceux par qui le malheur arrive, mais aussi avec Dieu, peut avoir des effets bien plus dévastateurs qu’une rage refoulée. Il vaut mieux, estime Lytta Basset, affronter Dieu dans un face à face, si douloureux soit-il, plutôt que de se couper de l’Autre. « Quelle que soit notre colère, Dieu reste Dieu, il y a quelqu’un en face de soi ! Rien n’est plus toxique qu’une colère censurée qui parasite la relation à soi-même, aux autres et la relation à Dieu, car elle empêche la guérison ».

La colère apparaît à la théologienne comme un véritable facteur de changement personnel, mobilisant des forces insoupçonnées en vue d’une vie différente que celle qu’on s’était imaginée. Pour l’auteur, assumer sa souffrance aboutit à se redresser, à être debout face à l’autre par lequel on a été terrassé, à se distinguer de lui. « Sans cette prise de conscience de ce dont on est capable, sans cette vérification de sa propre puissance par l’affrontement avec l’autre, on garde toujours un doute sur sa capacité à faire face au tragique ». Une sainte colère fait accéder l’humain à son noyau dur.

Lytta Basset ancre sa dlongue démonstration dans les textes bibliques, à travers l’analyse de l’histoire de Caïn, de Jacob et de Job. Elle relève que quand Jacob combat avec l’ange au gué du Yabbocq ou lorsque Jésus rappelle qu’il n’est pas venu apporter la paix, la relation à Dieu connaît des moments d’une violence structurante. Lytta Basset se réfère constamment au Livre de Job, pour rappeler le moment précis où il finit par relever la tête, pour regarder Dieu dans les yeux et assumer sa colère. Il finira par découvrir la bienveillance de l’Autre.

Le face à face, aussi difficile et exigeant soit-il, est de l’ordre du divin. Pour Lytta Basset, se risquer à la relation avec son ennemi, avec soi-même et avec Dieu, entraîne la reconnaissance de sa propre violence et de sa propre d’ombre. « Refuser de voir sa propre violence, c’est se mentir à soi-même. Refuser de voir la violence subie en la banalisant, c’est aussi se mentir. « Accéder à notre vérité profonde est le seul moyen d’être rendu juste et de rendre justice à autrui ». La sagesse d’Esaïe est utile aujourd’hui encore.

§«Lytta Basset, « Sainte colère, Jacob, Job Jésus », éd. Bayard/Labor et Fides, 325 pages, novembre 2002.