Genève: 20 ans au service des femmes exiléesLe centre Camarada encourage leur intégration

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Genève: 20 ans au service des femmes exiléesLe centre Camarada encourage leur intégration

13 novembre 2002
A Genève, le centre d'accueil et de formation Camarada donne aux migrantes les moyens de s’insérer dans leur terre d’asile
Chaque année, des centaines d’entre elles franchissent les portes du centre pour y apprendre l’alphabet, le français, l’informatique ou la manière de se comporter face à un employeur. Un concept né en 1990 et qui a depuis lors fait école un peu partout en Suisse romande. Apprendre à s’orienter dans la ville, à répondre au téléphone, à calculer. Savoir comment se présenter à un travail, que faire de ses enfants. Des questions à la fois toutes simples et capitales lorsque l’on vient d’ailleurs. « Info Formation » tente d’y apporter des réponses. C’est l’un des modules créés à Camarada, centre d’accueil et de formation pour femmes exilées de Genève.

L’idée date d’il y a vingt ans et paraît toujours terriblement actuelle. Elle a d’ailleurs fait école dans d’autres cantons romands. En 1982, le Centre social protestant (CSP) du bout du lac cherche à remédier à l’absence de réelles possibilités d’insertion en Suisse pour les personnes migrantes. De ce désir d’apporter les rudiments de notre langue et de notre mode de vie et de faciliter la vie aux immigrées naît une association d’entraide aux réfugiés. Caritas se joint ensuite à l’aventure pour ouvrir dans le quartier de la Servette, en 1990, le Centre Camarada.

« La communication constitue le premier moyen d’intégration. Pour des raisons culturelles, mais aussi parce qu’elles ont souvent des enfants qu’elles ne peuvent placer, les femmes étaient peu nombreuses à suivre les cours de français que nous organisions. D’où la volonté de créer un lieu qui leur soit réservé et où leurs enfants puissent être pris en charge », explique Maurice Glardiol, président depuis sa création du groupement devenu aujourd’hui « Association Camarada ». Un concept repris ailleurs, notamment par « Appartenances » dans la canton de Vaud ou par « Recif » à Neuchâtel. Les cours de français demeurent la vitrine du centre. Au fil des années, l’offre s’est développée, et plusieurs ateliers ont vu le jour: informatique, alphabétisation ou encore animation santé. Janine Moser, coordinatrice : « Nous cherchons une cohérence entre nos différentes activités, avec comme souci de rester à l’écoute des besoins de nos visiteuses ». Ainsi, récemment, les problèmes de poids rencontrés par les Somaliennes confrontées à nos modes alimentaires ont suscité la mise sur pied de séances de diététique avec un spécialiste.

§Ne pas s’institutionnaliserCe 20e anniversaire, fêté samedi dernier à Plan-les-Ouates, est aussi pour l'association l’occasion d’un faire un bilan. Avec treize personnes salariées représentant environ six postes à plein temps, le centre tourne grâce au travail d’une vingtaine de bénévoles et de la dizaine de stagiaires par an envoyés par différents lieux de formation genevois. Chaque année, les femmes qui viennent ici apprendre à dépasser les réticences culturelles et à acquérir les éléments qui leur permettront de trouver une place dans la société suisse sont de plus en plus nombreuses. Elles étaient près de trois cent soixante en 2001. Beaucoup sont originaires des pays de la corne de l’Afrique, d’ex-Yougoslavie, d’Iran, d’Irak, de Turquie. « Le bouche-à-oreille fonctionne bien, et nous voyons parfois augmenter rapidement certaines communautés, explique Janine Moser. C’est le cas en ce moment des latino-américaines ».

Un tiers des arrivantes seulement possèdent un statut de requérantes d’asile, un second est au bénéfice d’un permis de séjour, le dernier tiers recèle un vaste mélange, des clandestines aux épouses de diplomates. « La durée moyenne de fréquentation de nos services tourne autour des six mois, précise Maurice Gardiol. Nous nous adressons en priorité à des femmes peu scolarisées, disposant de peu de repères. Notre philosophie est de leur offrir des éléments pour s’insérer ailleurs, pas de les accueillir trop longtemps ».

Et l’avenir ? Le budget annuel, qui avoisine aujourd’hui les 650'000 francs suisses, ne se voit bouclé qu’à la force du poignet. Autre sujet d’inquiétude, l’explosion de la demande : « Comme à l’Université ouvrière ou à la Roseraie, qui offrent également des cours de français aux migrantes, les listes d’attente s’allongent », confirme Janine Moser. Camarada cherche donc de nouveaux locaux, la surface actuelle ne permettant plus de jongler avec les différentes activités. Pour les responsables du comité, l’important est aussi d’éviter l’institutionnalisation, de conserver une faculté d’adaptation et d’écoute qui font la force du centre. « Même si nous n’avons pas de structure spécifique, nous offrons un accompagnement psycho-social informel qui est apprécié. Il faut que Camarada demeure un lieu ouvert, où les femmes conservent la liberté de venir et de repartir à leur gré, souligne le président de l’association. Notre volonté est de transformer l’intégration en démarche choisie et non en obligation ».