Vaud : l’Eglise réformée a mal à sa réforme

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Vaud : l’Eglise réformée a mal à sa réforme

7 novembre 2002
De l’avis général, la dernier session du Synode s’est déroulée dans un climat d’hostilité palpable
Rivalité entre ministres cantonaux et paroissiaux, attaques personnelles, soucis financiers, défiance du parlement vis- à-vis de son gouvernement qui perd une nouvelle fois l’un de ses membres : la communauté protestante vaudoise est dans la tourmente. Le point de la situation. L’Eglise réformée vaudoise (EERV) n’a pas le moral. Au difficile équilibre des finances s’ajoutent le nombre conséquent des ministres surmenés et une difficile mise en route de la réforme structurelle « Eglise à venir » (EAV). Loin de résorber les difficultés, la dernière session du Synode, tenue il y a dix jours à Lausanne, en a laissé apparaître de nouvelles, démontrant surtout une profonde crise de confiance entre le conseil (exécutif) et son parlement.

« C’était une véritable foire d’empoigne, note ce ministre. Beaucoup d’animosité et des attaques personnelles dans un climat particulièrement tendu ». La goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour Line Richardet, l’une des quatre membres laïcs de l’organe exécutif. La conseillère du Nord vaudois a annoncé dans la stupeur générale sa démission moins de trois ans après son arrivée. Une décision qu’elle explique par le « malaise et les difficultés » rencontrés dans la collaboration avec ses collègues, mais surtout par « la dégradation des rapports entre le Synode et le Conseil qui se traduit par des débats extrêmement agressifs ».

Autant dire que ce départ inattendu tombe mal. Parce que depuis 1998, six conseillers se sont déjà succédés, ce qui commence à faire beaucoup. Les soucis s'accumulent. Il y a d’abord la crise qui oppose l’Office des ressources humaines (ORH) à une partie importante des ministres cantonaux. Au printemps dernier, en accord avec le Conseil, l’ORH réclamait de leur part la célébration d'un quota de cultes, répondant ainsi à la demande de pasteurs de paroisses débordés. Dans une récente lettre signée par plus d’une vingtaine de membres, un groupe de ministres cantonaux a refusé de se soumettre à une demande ne respectant pas, selon eux, l’esprit d’une réforme basée sur la complémentarité des types de ministères.

D’autres part, le budget de l’EERV, accepté par l’assemblée, prévoit un déficit de 270'000 francs (sur un total de charges de 2,8 millions). Si l’équilibre financier demeure un objectif pour 2004, il ne se fera pas sans « une prise de conscience des différents départements comme des régions qui doivent mettre la main à la pâte pour trouver des sources de financement et ne pas se reposer sur les fonds de l’Eglise », résume la trésorière Anne-Catherine Miéville. Doyenne parmi les conseillers synodaux, elle ne nie pas les difficultés actuelles mais fustige « certains ministres qui persistent à penser que l’Etat n’a qu’à payer ».

§Formation en questionDirecteur de Cèdres Formation, l’organisme de formation de l’Eglise vaudoise, Jean-François Habermacher ne décolère pas. Engagé il y a moins de deux ans pour « redéployer l’offre » et toucher d’autres personnes que les habitués des paroisses (l’institut dispense le séminaire de culture théologique, porte d’entrée au diaconat), il vient notamment de lancer « Clés pour les religions », un cours tout public par modules, centré sur les grands enjeux religieux actuels. En janvier devait également démarrer la première unité « Devenir formateurs », ouverte à toutes les personnes en contact avec la formation d’adultes. Autant d’initiatives désormais remises en question : non seulement on lui refuse une augmentation de budget pour 2003, mais on lui enlève 8000 francs sur son fonctionnement actuel. « Apparemment, je suis censé me déguiser en chercheur d’or. Si je n’y parviens pas, le partenariat avec deux HES (Hautes écoles sociales) et plusieurs HEP (Hautes écoles pédagogiques) sera remis en question. Nous commençons à nous positionner comme un acteur de la formation dans le domaine éthico-religieux, ce qui constituait précisément notre mission, et on nous coupe l’herbe sous les pieds ».

Avec d’autres, Jean-François Habermacher dénonce « l’absence d’une vision stratégique et l’opacité des procédures budgétaires ». Pas d’accord! répond Anne-Catherine Miéville. « Notamment lorsque certaines critiques proviennent d’un département qui n’a pas été capable de nous présenter un budget!». Pasteur et conseiller synodal, Antoine Reymond rappelle que l’enveloppe allouée à Cèdres Formation est passée de 11'000 francs à 44'000 francs annuels. « Nous disons qu’avant de lancer une initiative, les responsables doivent se préoccuper de savoir si nos finances peuvent suivre, et ne plus fonctionner comme au temps des vaches grasses ».

§Quelle vision d’avenir ?Pourquoi, dès lors, doubler la subvention de l’Eglise pour le Centre social protestant (CSP), pourtant bien placé pour obtenir ailleurs des subsides ? « Leur domaine est celui de l’urgence et il constitue aussi une préoccupation importante pour l’Eglise. Nous savons que le CSP est parfois accusé par la Ville de Lausanne de n’en faire qu’à sa tête. Mais si nous avions refusé de payer, cela aurait livré un très mauvais message au monde politique ».

Sur cette question, Anne-Catherine Miéville précise pourtant que le gouvernement n’était pas entré en matière sur les demandes de la direction du CSP. « C’est le Synode qui a eu un coup de cœur. Le dossier a été porté par quelques ténors qui se sont montrés convaincants ». Voilà qui tendrait à donner raison aux voix qui insistent sur la nécessité d’une refonte des organes décisionnels : bénévoles, beaucoup de membres de l’assemblée ecclésiale ne sont pas rompus aux finesses du travail parlementaire et connaissent parfois mal les dossiers. « C’est sans doute vrai, tout comme le Conseil doit apprendre à mieux communiquer ses objectifs, admet Anne-Catherine Miéville. D’un autre côté, une partie des ministres doit arrêter de croire que c’est l’Eglise qui est à leur service ». Souhaité par tous, l’apaisement des esprits prendra visiblement du temps.