Un ermite protestant à la recherche de l’unité intérieure

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Un ermite protestant à la recherche de l’unité intérieure

31 octobre 2002
Daniel Bourguet est l’un des rares anachorètes réformés
Retiré près de St-Jean du Gard, cet ancien pasteur et professeur de théologie est aussi prieur de la Fraternité des Veilleurs. Rencontre à l’occasion de son passage au centre de Sornetan, où son regard sur la prière et sa recherche du face à face avec Dieu a une nouvelle fois attiré un large public. Ermite protestant. Un sourire se dessine derrière la barbe foisonnante de Daniel Bourguet : « C’est le nom que l’on me donne. Depuis que je me suis retiré, j’ai accepté ce terme. Mais je crois qu’il y a autant de définitions que de personnes ». Cet ancien pasteur en paroisse dans le sud de la France et professeur à Montpellier se rappelle avoir ressenti l’appel de la solitude avec Dieu il y a une trentaine d’années déjà. « Je me sentais déjà habité par cette question avant mon premier poste. Lorsque le dilemme est devenu trop grand, j’en ai parlé aux responsables de mon Eglise. A ma grande surprise, ils se sont montrés plutôt ouverts ». Suivent ensuite une année dans une Trappe puis une autre au sein d’une communauté de Dominicains.

Mais Daniel Bourguet choisit de rester protestant. Voilà donc six ans qu’il passe ses journées dans son ermitage, une cabane de chantier sans eau ni électricité près de St-Jean du Gard. S’il a renoncé à son enseignement universitaire, il donne de nombreuses conférences dont certaines se transforment en livres. La question de son emploi du temps demeure d’ailleurs traditionnelle dans la bouche des visiteurs. « Il ne faut pas confondre ma vie avec celle d’un reclus. Ma porte est toujours ouverte. Et l’accueil fait partie de la vie d’un ermite comme de tout moine ». La plupart des gens n’arrivent pas poussés par leur seule curiosité. Ils se disent en quête de sens ou traversés par des questions existentielles. « Ils pensent que je suis plus près de Dieu. Je l’espère, mais peut-être est-ce le cas de celui qui vient me voir ».

§Se débarrasser du superfluLorsque personne ne frappe à sa porte, Daniel Bourguet se plie à des horaires assez précis, « pour éviter les distractions inutiles qui m’éloignent du contact avec Dieu », avec des moments de prière entrecoupés de tâches plus terre à terre comme la lecture d’un abondant courrier. Tout l’enseignement du théologien est fondé sur ce recentrage avec le Seigneur dans un recueillement qui fuit les futilités du monde, à l’image des Pères du désert. « La recherche de l’unification intérieure, qui est celle du moine (« monos signifiant précisément celui qui est unifié, ndlr.), ne signifie pas un désengagement du monde. Je crois que plus on s’approche du Père, plus on est ouvert aux autres ». Daniel Bourguet emploie volontiers l’image de la roue chère à Nicolas de Flue - dont Dieu constitue le centre, et les hommes les rayons - pour illustrer la certitude que « je rejoindrai plus profondément mon frère à travers Dieu ». Dans cette vision, l’isolement mène au face à face avec le divin facilité par l’abandon des biens matériels considérés comme autant de scories.

L’ermite tend à surmonter l’éclatement de l’individu en tentant de remplir sa vie de spiritualité. « C’est un combat intérieur incessant, puisque le mensonge réside aussi en nous. Il faut commencer par son propre coeur avant d’approcher le combat des autres ». Une exigence qui rappelle que l’âme est à l’origine un sanctuaire devenu un champ de bataille, ou pour le dire avec Paul, « le temple du Seigneur ».