Frédérique Hébrard, Louis Velle et Jésus: ménage à trois

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Frédérique Hébrard, Louis Velle et Jésus: ménage à trois

9 octobre 2002
Auteur de livres et de séries télévisées à succès, Frédérique Hébrard vient de consacrer au récit de la Genèse un livre, « Célébration de la rencontre »
Attachée à son identité protestante, elle pratique avec son mari Louis Velle, qui est catholique, un œcuménisme familial empreint du respect des différences. Interview.§Que signifie pour vous être protestante ?Ca n’a plus la même signification que dans mon enfance où, bien que l’on ne m’ait pas baptisée, on m’avait dit qu’à la question de ma religion, je devais répondre que j’étais protestante. Mes parents étaient le type même des protestants sociologiques, c’est-à-dire des gens de gauche qui considèrent le protestantisme comme les juifs qui ne vont jamais à la synagogue considèrent le judaïsme. Descendants des camisards cévenols, nous étions plus une race que les gens d’une religion. J’étais protestante comme on est breton et je l’ai tellement cru que, lorsque j’ai rencontré Louis Velle et qu’il m’a demandé si j’acceptais un mariage à l’Eglise catholique, je suis allée voir le curé et j’ai découvert que je n’étais pas protestante, puisque je n’étais pas baptisée ! Dès ce moment-là, ça a tout simplifié, le curé s’est écrié : « Ah, elle est païenne, y pas de problème !» Ce qui nous a chiffonnés tous les deux. C’était il y a exactement cinquante-trois ans, depuis, Dieu merci, ça a changé ! Je crois que j’ai toujours eu une âme religieuse. Au fond, j’étais toujours en action de grâce devant la nature, les gens et les animaux. Cette attitude et la vie avec mon catholique de mari m’ont amenée tout doucement, aidée aussi par les souffrances que j’ai traversées, à me faire baptiser il y a trois ans. A ce moment, certaines personnes m’ont dit « Ah, vous allez être catholique » et j’ai dit « non !». Louis n’aurait pas supporté que je change.

§Dans votre biographie, vous rendez grâce à Dieu et à Louis d’avoir été ce qu’il était et de vous avoir permis de devenir ce que vous êtes.Oui, parce que c’est essentiel. L’altérité est une chose très belle. Abraham va vers lui-même surtout quand il va vers l’autre. Cela s’appelle le respect, la curiosité et l’intérêt pour son prochain et rien ne serait plus triste si nous étions les clones les uns des autres.

§A propos de l’intérêt et du respect, Louis Velle écrit, dans la biographie vous concernant : « L’œcuménisme n’est pas un renoncement aveugle à nos croyances mais plutôt une mise en commun de nos différences (…) L’essentiel est de ne pas perdre de vue l’amour du Christ qui nous rassemble plus qu’il ne nous sépare ». Comment liez-vous cet amour et ce respect à la question de la vérité et de l’exigence face à l’autre ?Si j’étais née au Japon ou sous un tipi de Peaux-Rouges, je serais quand même une créature de Dieu mais j’aurais une approche de Lui différente. Il se trouve que je suis un produit de la terre camisarde et que Louis est un produit de la France catholique, nous n’avons pas cherché à nous modifier l’un l’autre. La vérité est dans ce que nous sommes. Et il y a quelqu’un qui a bien arrangé les choses - on dit souvent faire ménage à trois - c’est Jésus. Il est là, pour Louis comme pour moi et pour nos enfants. Mon fils François m’a dit à l’âge de six ans : « Je sais qui est Dieu, c’est tous les gens que vous aimez, tous les gens qui vous aiment, même ceux que vous n’aimez pas et ceux qui ne vous aiment pas ». C’est la parole de Jésus qui nous appelle à aimer, même au-delà de la raison.

§A propos d’amour et de respect, vous relatez cette anecdote où votre petit-fils de cinq ans, au moment de s’endormir, s’écrie en vous embrassant : « Allah Akbar ». Interloquée, vous lui demandez s’il sait ce que ça veut dire et il répond : « Bien sûr, ça veut dire Vive Jésus ! » et vous concluez : « Cette fusion œcuménique, œuvre d’un petit enfant, me parut bien augurer de l’avenir ». Quel est l’avenir, entre autres, des relations avec l’islam en Europe ?Il est difficile ! Il y a beaucoup de courants islamiques différents. Nous avons eu pendant sept ans un employé de maison qui avait une grande culture coranique et était très large d’esprit mais il avait une certitude assez terrifiante : « Tout le monde sera musulman un jour ». Je n’aime pas qu’on me dise cela. Ce n’est pas après avoir eu des ancêtres qui ont refusé de dire « Je me réunis à l’Eglise de Rome » (déclaration d’abjuration des protestants au temps des persécutions en France) que je vais dire que je me réunis à la Mecque ! Je suis incapable de dire ce que sera l’avenir entre les religions. Mais je trouve dérisoires et pitoyables les querelles entre catholiques et protestants à une époque où nous sommes menacés par un beaucoup plus grand danger religieux.

§Au début de votre biographie, vous écrivez à propos de la prière et de la danse : « Je crois bien que c’est en posant ma petite main sur la barre et en rêvant de m’élancer un jour vers le "milieu" de la salle que j’ai compris le sens de la prière ».Je crois que le courage que beaucoup prétendent reconnaître en moi vient à la fois de mon éducation protestante sans faiblesse et de la pratique de la danse classique. Je pense que tous les garçons et les filles devraient faire un stage de danse classique. C’est quelque chose qui nous dépasse et nous apprend à supporter les douleurs de l’existence avec le sourire. Une petite fille qui veut apprendre à danser sait qu’elle aura mal, qu’elle sera fatiguée, qu’elle aura du sang sur ses bandes quand elle enlèvera ses chaussons, mais ça ne se dit pas, ça ne se voit pas. La danse, c’est quelque chose qui vous élève, c’est un chant, c’est une prière.