Pour que l’école publique concerne aussi les handicapés

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Pour que l’école publique concerne aussi les handicapés

22 août 2002
A chaque rentrée scolaire, des dizaines de milliers d’enfants suisses sont placés en institution ou en classe spéciale
L’association « Entraide suisse handicap » monte aux barricades pour que l’intégration souhaitée par le Parlement fédéral devienne enfin réalité. Alors que la fin des vacances approche, l’AGILE, association faîtière dans le domaine de l’entraide aux handicapés, monte aux barricades. Dans quelques jours, comme chaque année, quelque 50'000 élèves suisses n’iront pas à l’école publique. En raison d’une infirmité physique ou mentale, ils seront placés en institution ou en classe spéciale.

Notre pays compte entre 3 et 4% d’enfants écartés du système scolaire ordinaire. Pour Gérard Bless, professeur de pédagogie curative à l’Université de Fribourg, ce chiffre n’est pas loin de constituer un record du monde. En Romandie, si la région de Martigny fait figure de pionnière, les réticences demeurent vivaces notamment dans un canton de Vaud particulièrement élitiste. Et cela malgré une prise de position favorable à l’intégration prise par le Conseil national.

§Bon pour tout le mondeNotre système d’éducation reste basé sur le principe de séparation des enfants qui ne sont pas dans la norme, « parce que l’idée dominante veut que l’apprentissage d’un handicapé soit meilleur en milieu protégé. Or de nombreuses études européennes ont montré que tel n’était pas le cas », dénonce Gérard Bless. Autre idée battue en brèche par les chercheurs : le développement des éléments les plus doués ne souffre nullement de la présence d’un enfant handicapé parmi leurs camarades. « Une réalité que la société, parents et enseignants en tête, a de la peine à accepter », souligne le professeur. Certes, admet l’AGILE, l’intégration d’un handicapé dans une classe régulière ne constitue pas la panacée universelle. « Mais au moins permet-elle à l’enfant de s’adapter aux autres, et aux autres de s’adapter à lui. On constate d’ailleurs que la plupart des parents dont un fils ou une fille sans handicap a vécu l’expérience de l’intégration, se félicitent des compétences sociales et de l’ouverture acquise par leur enfant ».

"La naissance d’un petit handicapé est toujours un choc", rappelle Michel Abbet, enseignant et papa d’un fils infirme récemment décédé dans un accident. « La vie est bouleversée, il faut apprendre des compétences nouvelles, modifier ses relations sociales, réorganiser le quotidien. L’acceptation de l’enfant dans l’école du village ou du quartier lui offre un apprentissage naturel de la vie en société. La famille tout entière se voit intégrée dans la communauté ».

Infirme moteur cérébral, Alexandre Jollien est aujourd’hui philosophe et écrivain. Il a passé l’essentiel de son enfance en institution, contre son gré. « Le placement systématique en milieu protégé nous prive de toute possibilité de tisser des relations, de créer des liens avec le monde qui nous entoure ».

§Un nécessaire changement des mentalitésBien sûr, une intégration réussie ne va pas sans difficulté. Les obstacles, techniques et pégogiques, sont bien réels. L’enseignant devra faire face à une surcharge de travail et entretenir des liens étroits avec les services spécialisés. Le succès passe aussi par un engagement renforcé des parents, une acceptation, pas toujours évidente, du handicap. « S’il n’y a pas une réelle adaptation de l’école, l’échec est programmé », reconnaît Michel Abbet.

C’est à un changement de perspective qu’appelle l’AGILE. « Mettre à part les difficultés ne les résout pas. Au lieu de s’interroger sur la capacité de tel élève d’aller dans un établissement public, il convient de se demander si l’école est capable de l’intégrer. Actuellement, on justifie une ségrégation en prenant l’exemple d’une infime minorité - quelques centaines de cas en Suisse - qui ne peuvent pas se passer d’un milieu protégé ». Pour l’AGILE, un changement des mentalités passera aussi par une réorientation des ressources publiques, pour l’heure largement consacrées au financement des institutions spécialisées.

§UTILE

L’ouvrage « Intégration : école en changement » (éd. Paul Haupt) rassemble des récits d’expériences vécues par des parents d’enfants handicapés et par des professionnels, donne des informations juridiques et pédagogiques. Il se veut un instrument à l’intention de tous ceux qui désirent contribuer au développement d’une école pour tous. Commandes au 032/322.17.14