Manuscrits de la mer Morte: Une aventure digne d'un scénario de B.D.

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Manuscrits de la mer Morte: Une aventure digne d'un scénario de B.D.

12 juillet 2002
Depuis leur découverte en 1947 dans les grottes de Qumrân, les manuscrits de la mer Morte, publiés au compte-gouttes par des savants jaloux de leurs prérogatives, ont suscité les passions et provoqué un véritable engouement du public
Un spécialiste de l’archéologie biblique fait le point sur tout ce que l’on sait sur les fameux écrits qui changent notre compréhension du christianisme. Erudit et passionnant.L'attrait du grand public pour les manuscrits trouvés à Qumrân et récupérés après de rocambolesques aventures, a été relancé dans les années 1990 par la thèse de la conspiration du Vatican. Celui-ci aurait tout intérêt à occulter les travaux de recherche sur les manuscrits de la mer Morte pouvant être embarrassants pour le christianisme. Une polémique a battu son plein lors de la parution en Grande-Bretagne d’un best-seller, « La Bible confisquée ». Les auteurs, Michael Baigent et Richard Leigh, accusaientle Vatican d’empêcher la publication des travaux sur les manuscrits trouvés par des bergers bédouins dans des grottes à Qumrân. Si les textes étaient confisqués par les chercheurs qui tardaient de façon scandaleuse à communiquer les résultats de leurs recherches, n’était-ce pas parce que leurs révélations pouvaient être embarrassantes pour le judaïsme, mais surtout pour le christianisme ? Le secret obsessionnel dont l’équipe éditrice a entouré ses travaux, soustrayant les rouleaux à l’examen public, les retards faramineux qu’elle a mis à publier une petite centaine des quelque huit-cent fragments retrouvés, et cela sur plus de cinquante ans, a engendré toutes les suspicions. Le Professeur Hershel Shanks les analyse dans un ouvrage qui fait la synthèse de tout ce que l'on sait sur les manuscrits. A commencer par l’histoire épique de leur apparition progressive dans des commerces d’antiquités et le périple auquel certains textes ont été soumis avant d’être récupérés par les scientifiques.

§Des liens avec le Nouveau TestamentL'auteur de cette passionnante synthèse réfute la thèse de la conspiration, faisant remarquer que la foi chrétienne, pas plus que la foi juive, n’ont été sapées par les affirmations des archéologues annonçant par exemple que la ville de Jéricho n’existait pas à l’époque où Josué était censé en avoir fait sept fois le tour avec son armée avant que les murs ne s’effondrent.

Il est indéniable pour l’auteur que ces textes ont apporté une nouvelle compréhension des origines du christianisme. Tous les savants s’accordent en effet pour affirmer que les documents retrouvés démontrent les liens possibles entres les textes de Qumrân et le Nouveau Testament. L’une des conclusions majeures de l’étude de l’un des chercheurs cités, James C. VanderKam, professeur d’études de l’Ancien Testament, est que les croyances et les pratiques de l’Eglise primitive, auparavant considérées comme exclusivement chrétienne, ne sont plus aujourd’hui comprises comme telles. L’érudition moderne a mis en lumière les correspondances existant entre l’enseignement de Jésus et d’autres mouvements sociaux et idéologiques de l’époque, marquée par l’extraordinaire diversité du judaïsme. Nombre de pratiques rituelles des adeptes de la communauté se retrouvent chez les chrétiens du Nouveau Testament.

On a également retrouvé un certain nombre de textes non bibliques, jusque-là entièrement inconnus. Parmi eux, le "Manuel de Discipline", dont les enseignements font écho au devoir de tendre l’autre joue dont parle l’Evangile de Matthieu (Matthieu 5, 38-39).

Un document a intrigué tout particulièrement les chercheurs : c’est le rouleau de cuivre, gravé sur des feuilles de cet alliage, qui décrit soixante-quatre endroits recelant un important trésor caché. S’agirait-il de l’or et de l’argent des dîmes et contributions dues au Temple de Jérusalem ? L’inventaire révèle une véritable fortune qui peut difficilement avoir appartenu à la communauté essénienne qu’on suppose s’être installée à Qoumrân.

Cette vaste bibliothèque de manuscrits n’a pas fini de susciter des controverses et de révéler toutes ses richesses. Les recherches sur cette mosaïque de textes permettront de mieux cerner le judaïsme antérieur à la destruction de Jérusalem par les Romains en l’an 70 après J.-C. et de révéler un éclairage différent sur le christianisme.

§L’aventure des manuscrits de la mer Morte, essai sous la direction de Hershel Shanks, éd. Points, 391 pages, avril 2002.