Prédicateurs laïcs et pasteurs:Gare à la confusion des rôles

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Prédicateurs laïcs et pasteurs:Gare à la confusion des rôles

12 juillet 2002
Religion de la Parole, le protestantisme accorde depuis toujours une grande importance au prêche
On en a fait le monopole du pasteur. C’est oublier l’existence des prédicateurs laïcs, jouissant d’une belle popularité à Neuchâtel, mais un peu oubliés ailleurs. A Colombier, sur le littoral neuchâtelois, Janine Urfer a prononcé sa seconde prédication il y a une quinzaine de jours. « Je n’y avais jamais songé auparavant, raconte cette infirmière aujourd’hui à la retraite. Mon pasteur m’en a parlé, parce que j’ai l’habitude d’animer des rencontres paroissiales ». Agréés par le Conseil synodal de l’EREN (Eglise évangélique réformée de Neuchâtel), qui renouvelle régulièrement des délégations pour une période déterminée, les prédicateurs laïcs bénéficient dans ce canton d’une courte mais réelle formation, souvent mise sur pied par les ministres de la région. « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la réflexion n’est pas née d’une pénurie de ministres, mais des paroisses désireuses de faire participer les laïcs à la vie de l’Eglise », explique à St-Blaise le pasteur Jean-Claude Schwaab.

Approche du texte biblique, art oratoire, notions sur la transmission de la Parole dans la théologie réformée : les personnes intéressées se retrouvent durant plusieurs rencontres, parfois ponctuées d’un travail personnel. Issus de tous les milieux socioprofessionnels, à la retraite ou non, les volontaires ne sont pas légions, mais souvent très motivés. « En 2000, notre premier groupe comptait cinq personnes, de la mère au foyer au cadre d’une compagnie d’assurances, se souvient Gabriel Bader, pasteur à Peseux. Des personnes entre cinquante et soixante ans, volontaires mais pas forcément désireuses de prendre de responsabilités. Je pense qu’il y en aura davantage la prochaine fois, puisque les échos de leur prédication sont très positifs».

§Approche plus accessible Les personnes qui s’engagent dans cette démarche sont enchantées, insistant notamment sur la possibilité de vivifier leur spiritualité et de travailler sur eux-mêmes. Du côté des conseils de paroisses, la satisfaction semble également de mise. « Leur présence ne favorise pas seulement l’organisation des services. Elle apporte un langage différent, qui parlera davantage à certains que l’approche plus intellectuelle d’un théologien. Cela peut être un élément mobilisateur », reconnaît Jean-Pierre Roth, membre du Conseil synodal. Dans le Val de Ruz ou le Val de Travers, les prédicateurs laïcs rentrent même dans le tournus des cultes, permettant au pasteur de prêcher ailleurs ou de se reposer de temps en temps. N’y a-t-il pas là une manière de suppléer à un manque de postes ? Réponse de Gabriel Bader : « Chez nous comme ailleurs, la théologie des ministères se trouve en plein questionnement. Il y a trente ou cinquante ans, il apparaissait comme évident que le pasteur assumait le culte ou le catéchisme. Aujourd’hui, on lui reconnaît d’autres fonctions comme la formation ou l’accompagnement. L’intérêt consiste à offrir un autre regard sur la Bible de non professionnels. Cela participe aussi au renouvellement de la célébration protestante ». Janine Urfer pense effectivement apporter un « point de vue complémentaire à celui du pasteur » qui passe par son propre vécu.

Neuchâtel fait figure de pionnier. Vaud admet y réfléchir dans le cadre d’une vaste et longue remise en question des ministères. A Genève, l’existence des prédicateurs laïcs est officielle, mais ils se comptent sur les doigts d’une main. « Le système est très développé en France voisine, guère chez nous », reconnaît le porte-parole John Grinling.

Avec une centaine de cultes à son actif dans la paroisse du Lignon, Roger Sauter est l’exception qui confirme la règle. Rentré d’Afrique en 1968, cet ancien enseignant demande à devenir prédicateur laïc l’année suivante avant d’enchaîner bénévolement les sermons jusqu’en 1997. « Cela m’a beaucoup apporté, notamment dans l’approfondissement des textes. Pour les fidèles, j’étais devenu le pasteur. D’ailleurs, il me semble même que je finissais par mieux connaître la Bible que lui ». Un exemple extrême qui montre que sans une claire définition des rôles, on risque d’assister à d’étranges distributions.