L'individualisme, une chance pour les Eglises:Une thèse bouscule les idées reçues

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

L'individualisme, une chance pour les Eglises:Une thèse bouscule les idées reçues

20 juin 2002
L’homme moderne qui dispose librement de lui-même constitue-t-il une chance pour les Eglises ? Telle est en tout cas la thèse de François Dubois, directeur du Centre social protestant de Neuchâtel
Intitulé « L’Eglise des individus », son travail de doctorat propose un parcours théologique à travers l’un des débats majeurs de la modernité. Explications.Pour François Dubois, aucun doute : à la fois idéologie et culture, l’individualisme plonge ses racines dans un terreau où la foi chrétienne a joué un rôle d’engrais. La thèse de doctorat de l'actuel directeur du Centre social protestant de Neuchâtel se veut une remise en question d’une fausse évidence : si les lieux de culte se vident, si les communautés traditionnelles se meurent, ce n’est pas en raison d’un individu contemporain aussi versatile, indépendant et inconstant en matière spirituelle que dans d’autres domaines. « Il existe un double malentendu. Beaucoup voient dans l’Eglise une institution réactionnaire qui s’oppose à la liberté individuelle. Et du côté des paroisses, on assimile l’individualisme à du narcissisme, à de l’égoïsme ou à du subjectivisme, au point que ce terme est devenu un gros mot dans les milieux ecclésiaux ».

Dialogue de sourds, donc, entre des personnes qui estiment que les Eglises ne prennent pas en compte leur volonté de trouver un projet de vie et une trajectoire propres; et des institutions qui ne relèvent que les effets négatifs de l’individualisme sur la communauté, sans relever l’importante demande de sens qu’il génère. « La théologie peut dépasser les poncifs et contribuer à un changement de perspective. L’Eglise peut se redécouvrir comme inspirée par un Dieu qui appelle à la liberté de chacun ; par un amour qui se déploie pleinement dans la figure de Jésus-Christ, l’Individu par excellence qui a toujours rencontré les autres face-à-face ».

Selon François Dubois, l’enjeu des années à venir ne réside pas vraiment dans la perte de pouvoir des communautés traditionnelles. Mais plutôt la manière dont celles-ci parviendront à assumer leur place et leur responsabilité dans un environnement laïc et pluraliste. Bref, son hypothèse est que « la crise de l’institution ne repose pas sur l’individualisation croissante des systèmes de convictions, mais sur une compréhension erronée de la notion d’individu. Si nulle autre que la personne concernée ne peut entamer une quête de sens, la foi chrétienne offre les moyens de l’assumer dans la liberté ».

§Le libre examen comme traditionN’y aurait-il pas là trace d’un optimisme béat ? Non, répond l’auteur. Car la tradition réformée a toujours soutenu une religion du « libre examen » contre une religion d’autorité. « L’individualisme religieux chrétien que je défends consiste à affirmer que la foi dans le Dieu de Jésus-Christ implique une foi en des individus conscients de leur responsabilité éthique individuelle ».

A l’autre bout, l’individu ne peut pas davantage se passer de l’institution. Loin d’être un mal nécessaire, « elle reste l’héritière d’un savoir-faire inestimable pour donner rituellement sens aux grands événements de la vie et pour assumer un rôle social indispensable. De plus, d’un point de vue sociologique, elle seule peut permettre à une religion de se maintenir à long terme ».

Il convient donc, explique François Dubois, d’inventer de nouvelles formes de communautés, de renouveler le travail pastoral et diaconal en fonction de cet individu contemporain. La Margelle, lieu d’accompagnement et d’écoute spirituel à Neuchâtel, constituerait un bon exemple de modèle alternatif, prenant en compte la dimension individuelle de l’existence et se réclamant de la foi chrétienne comme d’une ressource extraordinaire dans cette exploration de soi. Dans ce petit local, à l’appartenance confessionnelle plus discrète qu’une maison de paroisse, les gens viennent chercher une aide dans leur cheminement intérieur, faire le point dans leur relation avec Dieu ou tout simplement se raconter. « Nous ne fonctionnons pas comme des directeurs spirituels ou comme des psychiatres, et nous n’assénons aucun dogme. Nous offrons une écoute, un accompagnement dans cette quête de sens. Et il y a quelque chose de Dieu qui se vit dans ce dialogue ».