Origine de l’univers : comment les scientifiques se débrouillent avec le concept de Dieu

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Origine de l’univers : comment les scientifiques se débrouillent avec le concept de Dieu

20 juin 2002
Se poser la question du commencement du monde, c’est évoquer tôt ou tard le concept d'un Créateur, quand bien même on voudrait y échapper : invité à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), le professeur Henry Schaefer, directeur du Centre de chimie quantique de l’Université de Georgie, a présenté la façon dont les savants ont appréhendé le problème dans leur approche de l’univers, au cours d’une conférence intitulée « Le Big Bang, Stephen Hawking et Dieu »
A voir l’auditoire plein à craquer, les origines - divines ? - du monde passionnent même les esprits les plus rationnels. Le professeur Henry F. Schaefer, invité par le Groupe Biblique de l’EPFL, proposa un tour d’horizon des attitudes et des parades de scientifiques renommés face au concept d’un Dieu qui serait à l’origine du monde. L’idée selon laquelle l’univers aurait eu un commencement bien déterminé a rencontré de vives oppositions parmi les savants qui ont cherché des échappatoires à la question. Ce fut notamment le cas d’Albert Einstein qui, pour faire face aux conséquences de sa propre théorie de la relativité et éviter de devoir affronter la perspective du début de l’univers, introduisit dans ses équations la célèbre constante cosmologique destinée à préserver un modèle statique du cosmos. Il finit toutefois par reconnaître la nécessité d’un commencement et la probabilité de la « présence d’une Intelligence Supérieure », sans jamais adhérer au concept d’un Dieu personnel.

§« C’est comme si nous regardions Dieu »En 1946, George Gamow a appelé « Big Bang » l’explosion initiale d’une gigantesque quantité d’énergie ponctuelle qui a donné naissance à l’espace, à la matière et au temps de notre univers. En 1965, cette théorie est confirmée par la découverte du rayonnement micro-onde intergalactique. En 1992, le satellite COBE de la NASA détecte de légères fluctuations de température de ce rayonnement fossile, ce qui fait s'exclamer George Smoot, en charge des travaux de recherche : « C’est comme si nous regardions Dieu! ».

Dans « Le créateur et le cosmos »,le scientifique Hugh Ross tente de situer Dieu face à l’espace et au temps et parvient à la conclusion que le Créateur est transcendant, qu’il agit au-delà des limites de l’univers observable et qu’il n’est ni l’univers lui-même, ni contenu dans l’univers.

§Stephen Hawking et Le Grand Horloger Avec les travaux du physicien Stehen Hawking sur les singularités et les horizons présents au commencement du monde et ceux entourant les trous noirs, notre compréhension du Big Bang penche en faveur d’un Dieu transcendant l’univers, poursuit Henry Schaefer. Dans « Une brève histoire du temps », Stephen Hawking réserve une place de choix à Dieu. En posant son théorème de singularité, le physicien américain garantit l’existence d’une limite commune pour l’espace et le temps. Sa perception de Dieu s’apparente à celle du « Grand Horloger » de Voltaire lorsqu’il s’exclame: « Les lois de la nature pourraient avoir été initialement décrétées par Dieu, mais il semble qu’il a laissé évoluer l’univers en accord avec elles, et qu’il n’intervienne maintenant plus dans le cosmos ». A la fin de son best seller, il considère les êtres humains au sein de l’univers comme « d’insignifiantes créatures sur une planète mineure d’une étoile banale située dans la banlieue extérieure d’une galaxie parmi cent milliard d’autres". Ce qui lui fait penser qu’il est difficile de croire que Dieu prenne soin des humains et q’il s’aperçoive même de leur existence.

Martin Rees, un collègue de Hawking, rappelle pour sa part qu’il s’en faut de très peu pour que la planète devienne inhabitable : « Les conditions initiales requises pour la vie telle que nous la connaissons, puisse exister, dépendent de la valeur numérique extrêmement précise de quelques constantes physiques fondamentales ». Sa constatation ne constitue bien évidemment aucune preuve scientifique de l’existence d’un Dieu transcendant l’univers. Bien qu’athée convaincu, Steven Weinberg, l’un des grands scientifiques de la seconde moitié du 20e siècle, reconnaît néanmoins : »Quelque chose doit exister au-delà du strict réductionnisme et/ou matérialisme ».

§Cosmos sans commencement ni fin. Pour éviter d’affronter la perspective d’une naissance du cosmos, Hawking va imaginer sa « proposition sans limite » qui implique que l’univers n’a eu aucun commencement et qu’il ne connaîtra pas de fin. Il doit toutefois reconnaître que sa théorie présente d’insurmontables difficultés.

Henry Schaefer estime avec Allan R. Sardage, qu’il nomme « Le grand vieil homme de la cosmologie », que le monde est trop compliqué pour être dû au hasard seulement. Hugh Ross va dans le même sens et démontre que notre système solaire, en particulier notre planète terre possède des particularités dont l’arrangement relève quasiment du miracle. "Peut-être Dieu prend-il soin de nous ? " suggère-t-il.

Pour sa part, le conférencier américain penche pour cette dernière hypothèse qu’il ancre dans le christianisme dont il se réclame et conclut en faisant sien le raisonnement de Richard Feynman, professeur à Berkeley: « Dans les sciences fondamentales, tout n’est qu’amas de protons, de neutrons et d’électrons, tandis que dans la vie quotidienne, nous nous préoccupons de l’homme et de l’histoire, ou de la beauté et de l’espoir. Quelle vision du monde est la plus proche de celle de Dieu – la beauté et l’espoir ou les lois fondamentales ? Se tenir à l’une des extrémités de la jetée penché vers le vide, espérant par là acquérir une entière compréhension, serait une erreur ! ».