La solitude pour retrouver le divin en soi

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La solitude pour retrouver le divin en soi

5 juin 2002
Faire l’éloge de la solitude alors que notre époque la combat comme un fléau majeur, voilà qui n’est pas banal : c’est ce que fait Jacqueline Kelen dans « L’esprit de solitude »
Elle y évoque la plénitude heureuse qu’apporte la solitude consentie, – à ne pas confondre avec mise à l’écart, abandon ou sentiment d’isolement – qui mène à la découverte du divin en soi. Et rappelle avec finesse que le cœur est un chasseur solitaire que le tintamarre médiatique déroute de sa quête.On n’apprend pas aux enfants à être seuls, déplore Jacqueline Kelen; on les occupe sans cesse,on surcharge leur emploi du temps, on les prive du temps béni où ils explorent leur jardin intérieur, on les rend dépendants dès l'enfance de l’approbation de l’autre, on les dépossède de leur « profondeur heureuse ». On les détourne de la solitude, comprise uniquement comme une malédiction. Or, la solitude est le sceau de notre nature humaine et sa chance d’accomplissement.

« Le sentiment poignant d’être, quoi qu’il arrive, toujours seul avec soi-même, n’a rien à voir avec un problème psychologique, rappelle l’écrivain, agacée par l’obsession thérapeutique qui imprègne toute la société, c’est un sentiment métaphysique qui signe en nous la conscience humaine ».

Ce sentiment tragique est à la source de la philosophie, de la création artistique et des voies spirituelles. Vouloir l’étouffer, c’est empêcher l’être humain de prendre conscience de sa vie et de grandir, c’est développer une vision pathologique de ses émotions et avoir bien peu de confiance en ses ressources personnelles.

Jacqueline Kelen prône une solitude qui affermit la personnalité, donne une inestimable liberté intérieure et délivre de l’illusion du collectif et s’inscrit en faux contre la civilisation de la communication planétaire qui alimente le fantasme du lien fusionnel permanent et l’illusion d’une solidarité sans faille.

Or, le seul compagnon avec lequel chacun est assuré de partager toute son existence n’est autre que soi-même. Mieux vaut savoir être heureux sans l’approbation des autres et ne pas craindre le silence qui peut mener à la contemplation et ouvrir le ciel.

§L'expérience des mystiques Jacqueline Kelen présente l’expérience des grands mystiques mais aussi de tous ceux qui ont eu le courage de s’affranchir du monde des contingences et de l’éphémère et qui ne s’effraient pas d’être seuls. Elle cite Théodore Monod, cet arpenteur de déserts : « Ici, j’ai le sentiment presque palpable de la montée de la vie et de l’esprit. Plus de machine à abêtir les hommes, plus de frivolité, de médiocrité. Nous voici enfin seul avec le réel,la vérité ».

Elle évoque les expériences des prophètes de la Bible et de Jésus qui, dans les moments-clés de son existence, se retire pour prier; elle présente les Pères du Désert, rappelle, plus proche de nous, l’expérience des béguines, ces amoureuses de Dieu, cite les paroles des mystiques juifs et des soufis, mais aussi celles de Krishnamurti.

L’apprentissage du détachement, l’élévation de l’âme, l’élargissement de la conscience, l’approche du divin, l’accession à ce que Jean Genêt appelle la « royauté secrète », voilà ce que vise la rude exigence de l’esprit de solitude. Une attitude toute intérieure qui peut être un puissant ferment capable de faire lever un monde nouveau et déboucher sur un renversement incroyable: celui qui se croyait délaissé se sait désormais attendu de toute éternité.

§Jacqueline Kelen, L’esprit de solitude, éd. La Renaissance du Livre, 246 pages, 2001.