Les femmes seules, grandes oubliées des Eglises

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Les femmes seules, grandes oubliées des Eglises

27 mai 2002
Une récente enquête britannique le démontre : les femmes sont majoritaires dans les Eglises (à 61%), et parmi elles, les célibataires – un peu par hasard, à l’image de Bridget Jones* - occupent une place non négligeable
Pourtant le discours ne suit pas : on continue à valoriser le modèle de la famille ou du couple. En Suisse romande, là aussi, les femmes célibataires n’ont pas forcément la reconnaissance des Eglises.Vivre seule ? Il n’y a pas que des désavantages, et « personne au moins ne sait que vous vous êtes mise au lit tôt avec un bouquin et le chat, le soir du réveillon » lance Jennifer, une célibataire parmi la centaine qui a participé à l’enquête sociologique menée durant deux ans par une jeune doctorante de Grande-Bretagne. Les statistiques annoncent qu’en 2010, plus de 60 % de la population britannique sera formée par des célibataires. La réalité dans les Eglises réformées suit la même progression : les femmes célibataires représentent une nette majorité (68%) sur les hommes (32%). Ayant eu plusieurs partenaires, divorcées ou parfois veuves, ces femmes ne trouvent pas un discours communautaire apte à prendre en compte leur vécu, ni de structures où elles puissent être valorisées. Les Eglises, de leur côté, persistent à attribuer des responsabilités aux hommes, trop peu aux femmes, alors qu’elles sont majoritaires. L’attitude de l’institution à l’égard des célibataires n’a pas évolué : l’enquête montre qu’implicitement, leur statut reste considéré comme inférieur en comparaison du mariage, dans un environnement chrétien quasi braqué sur la famille, les jeunes ou les personnes âgées.

§Un océan de silenceAnimatrice à la Cascade, un lieu d’accueil et d’écoute dans la banlieue lausannoise, Etty Overeem déplore le silence complet de l’Eglise réformée au sujet des célibataires. Pourtant un bon tiers des personnes qu’elle reçoit sont des femmes seules, pour qui la solitude devient parfois insupportable. « Le relais au niveau communautaire ne se fait pas et c’est dommage », ajoute-t-elle. À sa connaissance, le seul lieu où l’on prie pour les célibataires, c’est à l’Eglise Ecossaise de Lausanne, où elle se rend parfois. « J’apprécie qu’une communauté porte aussi cette préoccupation, sans prétendre vouloir changer le cours des choses », ajoute la jeune femme, elle-même célibataire.

Sentir que la communauté vous reconnaît une place, voilà le mot-clé qui revient souvent dans les conversations avec des femmes célibataires. Professionnellement, la société profite déjà de leur énorme disponibilité et si à cela s’ajoute encore du bénévolat multiple, dans le cadre de l’Eglise, elles ont l’impression que cette dernière ne leur offre rien en retour.

§Des lieux de vieÀ Genève, le service de visites et d’accompagnement de l’Eglise protestante touche surtout des femmes âgées et seules. « Bien que rien ne soit vraiment établi, précise Geneviève Spichiger, nous essayons de créer des noyaux d’amitié entre ces femmes, à domicile ou dans les EMS ». Cependant, c’est du côté des femmes actives qu’il y a urgence : Michel Lemaire s’en est rendu compte, en voyant le nombre d’entre elles fréquenter les séminaires de formation continue. « Approchant la quarantaine, engagées, travaillant dans le secteur de la santé, ces femmes célibataires, bien que riches de leurs expériences, souffrent de se retrouver seules chez elles. Les invitations se font rares, car autour d’elles les couples et les familles dominent ». Michel Lemaire, partant de son expérience d’aumônier, plaide pour un nouveau style communautaire : offrir à des femmes célibataires et engagées spirituellement des lieux de vie. Elles pourraient par exemple partager un appartement communautaire tout en animant une forme d’accueil, sur le modèle de communauté de vie telle que celle de Don Camillo à Montmirail (Thielle, NE). Le milieu urbain favorise ce genre d’initiative. Pour avoir travaillé à Avignon, Christine Nicolet, a fait l’expérience des soirées de Noël ou journée de Pâques partagées entre célibataires de la paroisse : « mais si on définit les personnes par ce qui leur manque, c’est le sentiment de honte assuré » précise-t-elle. Et toutes les femmes seules n’ont pas le cran d’une Bridget Jones!

§*« Bridget Jones » est le nom de l’héroïne du roman d’Helen Fielding intitulé “le Journal de Bridget Jones” paru à Londres en 1997, un best seller adapté il y a deux ans dans un film avec Hug Grant et Renée Zellweger dans la rôle de Bridget.