"Ce qui fait grandir l'enfant" de Maurice Nanchen:Aimer sans tout permettre

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"Ce qui fait grandir l'enfant" de Maurice Nanchen:Aimer sans tout permettre

21 mai 2002
En n’apprenant pas aux enfants à respecter les règles, en les protégeant de la réalité, on leur prépare des lendemains douloureux
C’est le constat de Maurice Nanchen dans un ouvrage qui tombe à point nommé en pleine montée des incivilités des jeunes. Psychologue et thérapeute fort d’une longue expérience sur le terrain, il brise un tabou en conseillant aux parents de retrouver leur place hiérarchique. Et rappelle qu’éduquer n’est pas dresser, mais pas non plus tout permettre. L’auteur prône une ligne éducative qui combine harmonieusement l’affectif et le normatif. Notes de lecture.Pris d’une colère terrible, un gosse de cinq ans qui voyage en train avec sa mère, la frappe de toutes ses forces. La mère supporte sans broncher la grêle de coups de poing. Elle semble absente, comme si elle s’était retirée de la scène. Le même jour dans une file d’attente, c’est un père que son fiston de six ans roue de coups rageurs. Le père, là aussi, reste imperturbable. Des scènes de la vie ordinaire ? Le nombre d’enfants instables, tout-puissants, tyranniques et incapables de supporter la moindre frustration sont légion, sans parler des enfants hyperactifs qu’on calme à coup de Ritaline, un médicament largement prescrit ces dernières années. Les parents, déboussolés, baissent les bras. Et continuent de répondre à l’infini aux demandes de leurs enfants, même si elles sont abusives.

Dans « Ce qui fait grandir l’enfant », petit précis d’éducation pétri de bon sens, Maurice Nanchen rappelle qu’un enfant a besoin d’affection mais aussi de normes éducatives et d’une hiérarchie claire pour pouvoir prendre ses marques. Sans vouloir à aucun moment revenir à l’éducation répressive contre laquelle les jeunes générations se sont révoltées, il fait un bilan sans complaisance des principes éducatifs qui découlent du slogan de mai 1968, « Il est interdit d’interdire », et qui cherchaient à satisfaire coûte que coûte tous les besoins de l’enfant et à lui épargner les difficultés et les contrariétés de la vie. En réaction à leur propre éducation rigoriste, les parents n’ont plus voulu tenir un discours directif et ont peu à peu démissionné de leur rôle de parent, pour agir comme les aînés d’une fratrie chaleureuse. Ils voulaient croire que plus l’enfant aurait reçu, plus il donnerait.

Les résultats n’ont pas été à la mesure de leurs espérances, constate Marice Nanchen. Les enfants ne sont pas devenus plus altruistes pour autant. Ils se sont mis à considérer que tout ce qui leur était donné leur était dû. A l’adolescence, le manque d’encadrement éducatif leur a manqué pour leur permette de sortir de la béatitude de l’enfance .

§Aimer sans tout permettre La multiplication des incivilités et la montée de la violence des jeunes prouvent qu’il est urgent de redéfinir une ligne éducative qui retient le meilleur des expériences passées mais se démarquent de certains excès. Eduquer, pour Maurice Nanchen, c’est « faire découvrir et expérimenter à l’enfant les rigueurs de la vie, du savoir et de la loi, en les présentant de manière adaptée à ses particularités ». Ce qui implique un axe affectif, lorsque l’éduquant fait ce qu’il faut pour ajuster l’environnement aux particularités de l’éduqué, c'est-à-dire en tenant compte de son âge, de sa personnalité, de ses forces et de ses faiblesses, et un axe normatif, lorsqu’il confronte le jeune aux contraintes et aux limites de la réalité, l’obligeant à développer ses propres compétences pour s’adapter. En protégeant l’enfant de l’expérience du normatif, on lui prépare des lendemains douloureux. Lui donner les règles du jeu contribue à le soulager et à lui ôter l’angoisse générée par l’absence de limites.

L'ouvrage de Maurice Nanchen donne des pistes qui combinent harmonieusement le registre affectif et l'apprentissage de certaines règles, indispensables à tout enfant.

§Maurice Nanchen, Ce qui fait grandir l’enfant- Affectif et normatif, les deux axes de l’éducation. 157 pages, 2002, éd. Saint-Augustin.