Un Ange passe à Expo 02 : reportage à Morat

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Un Ange passe à Expo 02 : reportage à Morat

17 mai 2002
A l’ombre du monolithe, les sept ciels du projet des Eglises se visitent entre interrogations, étonnement et parfois incompréhension
Balade sur les rives de l’arteplage et premières réactions du public comme des autorités ecclésiastiques. « Je trouve ça très beau. Même si je ne sais pas encore très bien ce que ça représente. » La souriante octogénaire est venue sur l’arteplage de Morat en voisine. « Je suis une vraie native du Vully. J’y ai passé toute ma vie. Saviez-vous qu’il s’agit d’une enclave protestante ? », confie-t-elle avec entrain.

En ce jeudi matin, Nano – par coquetterie, elle ne livre que son surnom – découvre avec beaucoup d’intérêt le second ciel de l’exposition des Eglises à Expo 02 baptisée « Un Ange passe ». Avec son mari, elle tient à figurer parmi les premiers visiteurs : « Nous avons acheté le passeport et comptons venir souvent. J’espère que ce sera aussi bien que l’Exposition nationale de 1964. J’en garde un excellent souvenir », note-t-elle encore avant de prendre congé d’un pas décidé.

Disséminées sur les rives du lac de Morat,les sept cabanes rouillées façon monolithe (à l'image de celui de Jean Nouvel qui flotte au large) accueillent d'emblée beaucoup d’écoliers et de personnes âgées et le suisse allemand domine largement. La démarche artistique reste visiblement un peu obscure en dessous d’un certain âge, mais la vue superbe transforme la découverte en amusante course d’école. Une partie du gens se donne la peine de lire le petit dépliant de présentation, s’arrête, dialogue et parfois questionne les guides bénévoles postés devant chaque entrée.

§Des « Relations » tumultueusesCette religieuse fribourgeoise a par exemple fort à faire avec « Relations », imaginée par la Zurichoise Susann Walder. L’entassement d’objets hétéroclites issus ou non des différentes traditions religieuses l'interpelle. « C’est étonnant. On ne peut qu’être secoué », note cette dame genevoise. Sa compagne de balade trouve que tout cela « fait un peu foutoir », alors qu’une minorité y voit une vision trop négative de la foi chrétienne.

D’autres œuvres invitent davantage à la contemplation muette. C’est le cas de la très belle « Parole » d’Anton Egloff avec son sol couvert du décombre de syllabes et de signes de ponctuation orphelins d’où émergent les mots des célèbres versets : « Je suis la lumière du monde. Vous êtes le sel de la terre ». Les gens aiment s’attarder dans ou autour de ce ciel ouvert et lumineux pourvu d’un petit balcon. Les enfants lui préfèrent cependant une superbe « Bénédiction » dont l’eau ruisselante de six paires de mains reste une source inépuisable de jeux. Petits et grands se rejoignent dans le plaisir de répondre à la question « Qui es-tu pour Dieu ? » dont les réponses défilent sur les parois du ciel de la « Bonne Nouvelle » grâce à un système informatique proche de celui de « Wishes » sur l’arteplage de Bienne.

§Un début et non une finLes premiers échos - notamment ceux de Nelly Wenger et de Martin Heller, directeur artistique d’Expo 02 – sont positifs et les Eglises semblent avoir réussi leur pari d’une présence à la fois signifiante et sans prosélytisme. Du côté des autorités catholiques et protestantes, en tout cas, l’heure est la satisfaction. Elaboré en commun par quatorze Eglises chrétiennes et orthodoxes, le projet ne suscite pas de surprise.

Restait à connaître les réactions des autorités ecclésiastiques devant l’interprétation des thèmes retenus. « L’impression générale est très bonne, précise Marc Aellen, secrétaire général de la Conférence des évêques suisses. Rien n’a vraiment choqué, même s’il est vrai que ‘Relations’ ne laisse comme prévu pas indifférent. » Enthousiasme partagé du côté réformé : Thomas Wipf, président de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), se dit « heureux de ce renouvellement des images de notre foi. Cette rencontre de l’art contemporain et de l’Evangile me paraît important, pour les croyants comme pour les autres. » Il faudra attendre encore un peu pour savoir dans quelle mesure « Un Ange passe » aura atteint son but, celui d’ouvrir le débat à travers une exposition conçue comme un commencement et non une fin.