Des cours d’introduction à la foi suscitent le débat

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Des cours d’introduction à la foi suscitent le débat

18 avril 2002
Alphalive est en pleine expansion en Suisse romande comme partout dans le monde
La formule conviviale de cours d'introduction à la foi semble faire recette, mais dérange certains théologiens qui dénoncent le recours à des formules simplistes. Deux visions différentes du ministère pastoral et de la manière de vivre sa foi. Tout a commencé il y a plus de 20 ans dans une Eglise anglicane de Londres. Mais le vrai démarrage d’Alphalive date de 1991, avec le livre du révérend Nicky Gumbel, « Les Questions de la vie ». Aujourd’hui, les chiffres impressionnent. Près de deux millions de personnes ont suivi l’un des 20’000 cours Alpha dispensés à travers 130 pays. En Suisse, une centaine de paroisses ont mis sur pied ce cycle de soirées d’introduction à la foi chrétienne.

La méthode de cette présentation de l’Evangile par l’amitié fait recette. Et si le contenu varie, la forme semble immuable : chaque cours Alpha dure 10 semaines, à raison d’un soir hebdomadaire et d’un week-end. Un repas accueille les participants, suivi d’une courte prise de parole sur un thème majeur et (Jésus, le mal, la prière, etc.) elle-même conclue par une discussion par petits groupes. « C’est surtout le concept de convivialité d’Alpha qui me paraît intéressant. De nos jours, Il devient trop difficile d’entrer dans nos Eglises ». Pasteur de la paroisse de Corsier-Corseaux, sur la Riviera vaudoise, Pierre Bader a organisé Alphalive à plusieurs reprises. « Avec des échos très positifs, mais aussi des résultats visibles dans la vie de plusieurs personnes ».

Dans la vision de Nicky Gumbel, Alphalive se destine en priorité aux non croyants ou aux personnes ayant pris leurs distances avec la foi. Pourtant, dans la pratique, ces cours peuvent aussi se comprendre comme un moyen de resserrer les liens entre les membres d’une communauté plutôt que comme un catalyseur de conversions. « C’est en tout cas dans cet esprit que nous l’avons fait, confirme le pasteur Gérard Stauffer à Bulle. Cette occasion a permis de nous rapprocher et plusieurs d’entre nous ont été interpellés par certaines affirmations de foi devenues des lieux communs ».

§Les évangéliques d’abordDans le canton de Vaud, Alphalive a le vent en poupe. Plus d’une quarantaine de cours ont été lancés cette année, dont une majorité dans les assemblées évangéliques. Normal puisqu’en Suisse romande, c’est d’abord ces milieux qui s’y sont montrés sensibles. En France, au contraire, la formule a d'abord été l'affaire des catholiques. D’où sans doute, une méfiance d’une partie du corps ministériel vis-à -vis d’un contenu jugé trop simpliste. Tel est l’avis de la théologienne neuchâteloise Béatrice Perregaux Allisson qui, tout en appréciant « le choix d’offrir une introduction à la foi lors d’un repas qui peut symboliser le partage de ce qui nous fait vivre », admet se distancer de préceptes « marqués par une théologie évangélique ». Ainsi, sa conception de la foi ne s’accorde pas avec la résurrection considérée comme « un fait historique prouvé ». Pour elle, la Bible n’est pas littéralement « la Parole divine, mais un choix canonisé par l’Eglise de témoignages humains sur l’histoire que des hommes et des femmes ont vécue avec Dieu. »

De son côté, le Service genevois de formation d’adultes ne veut pas soutenir Alphalive. « Il y a trop de réponses simples à un monde extrêmement complexe, estime Anke Lotz, pasteur à la paroisse de l’Arve. On veut donner des recettes pour être rempli de l’Esprit saint tous les jours. En voyant cela, je me dis que je ne suis pas chrétienne parce que je suis bien incapable de savoir comment faire. De même, on propose une lecture claire de l’Evangile en quelques heures. En tant que théologienne, voilà 20 ans que j’essaie de tout comprendre. » Pour Anke Lotz, ces cours ne correspondent par à la vocation de l’Eglise réformée. « Ils ont en revanche pleinement leur place au sein d’autres tendances et c’est tant mieux ».

Ne pas passer à côtéde l'essentiel: des craintes qu’entendent tout en ne les partageant pas, les pasteurs réformés qui ont décidé de s’ouvrir à Alphalive. Tous évoquent de très bonnes expériences et stigmatisent une suspicion quasi culturelle : « Nos milieux n’ont pas l’habitude de ce fonctionnement amical en petits groupes, de cette proximité et de cette volonté d’évangélisation que l’on estime immédiatement douteuses », note Pierre Bader. Avec d’autres, il souligne que si le principe est bon, chacun peut en adapter l’enseignement.

Gérard Stauffer a par exemple sauté le chapitre sur le mal, présenté selon lui de manière trop caricaturale. « Nous avons suivi le schéma de base, mais en modifiant passablement certaines présentations. Tout en conservant la volonté de s’éloigner de tout intellectualisme pour revenir à des bases sur lesquelles chacun peut ensuite s’exprimer », précise au Mont-sur-Lausanne le pasteur Jean-Denis Roquet. Au Landeron (NE) qui vit actuellement sa troisième série Alphalive, sa collègue Nicole Rochat estime « qu’à force de débats sur des notions pointues, on passe peut-être à côté des questions existentielles que se posent les gens et on finit par délivrer un message totalement désincarné. »

Le succès d’Alphalive oblige les pasteurs à se prendre position sur la manière d’envisager leur ministère. Autant dire que le débat est loin d’être clos.