Social : Fribourg tente une réflexion communautaire

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Social : Fribourg tente une réflexion communautaire

15 avril 2002
Pour sa seconde édition, les Assises du social ont réuni plus d'une centaine de participants autour du thème de la solidarité et de la responsabilité
L'occasion de repenser les moyens mis en œuvre pour lutter contre les excès de l'ultra libéralisme. Projet d'une plate-forme consultative à la clé.

D'un côté, l'individualisme, le chacun pour soi et la course à la performance. De l'autre, la globalisation des économies, le flux des capitaux, la défense planétaire de l'environnement. Tout observateur de bonne foi en conviendra: la cohésion sociale passe par une nouvelle définition des relations entre les individus, mais aussi entre les individus et la société.

Voilà la conviction à la base de la création des Assises sociales fribourgeoises: la prise de conscience et la résolution des problèmes sociaux ne peut se faire qu'en commun, à travers un vaste échange des différents acteurs. Vendredi à Grangeneuve, lors de la deuxième édition de cette rencontre bisannuelle organisée conjointement par l'Université de Fribourg et la direction de la santé publique, la centaine de participants partageait la conviction que tout vrai changement commence dans les esprits et par la mise en réseau des expériences.

§L'importance de l'éducationSolidarité et responsabilité. "Deux notions relativement jeunes dans le débat public; deux notions sur lesquelles l'Etat ne peut plus faire l'économie d'une vaste réflexion", explique l'un des initiateurs de l'événement et responsable de la chaire de travail social, Marc-Henry Soulet. Le XXe siècle s'est achevé avec le développement de l'Etat social, caractérisé par la mise en œuvre de "solidarités formelles basées sur le droit venant progressivement remplacer des solidarités locales et expressives. Elle a eu pour corollaire logique une accentuation de la responsabilité collective", note Viviane Châtel, dont la recherche sert de point de départ à la journée. La mondialisation, le libéralisme sauvage, la lente mise en place du développement durable nécessitent de repenser les dimensions personnelles et publiques de la solidarité et de la responsabilité.

"Pendant longtemps, précise Viviane Châtel, la société se basait sur une irréductibilité des valeurs. A l'éducation la transmission du savoir, à l'économie la compétitivité et l'efficacité, par exemple. Désormais, les valeurs de l'économie ont imprégné toutes les sphères d'activité et nous assistons à un phénomène d'interdépendance." Pour la chercheuse, face à cette situation, seule l'éducation permettra "d'aboutir à une éthique de la responsabilité et de la solidarité comme principe du lien social." Bref, penser aux autres s'apprend et les parents, démissionnaires ou démunis, ne suffisent visiblement plus à la tâche. Pour Regula Kuhn, représentante de Pro Familia, la tâche est tout simplement trop lourde lorsque 65% des mères d'enfants travaillent et que plus de 40% des mariages se soldent par un divorce: "La famille est censée transmettre des normes, des valeurs et une vision du monde. Mais comment se repérer dans un monde en perpétuel bouleversement?"

De son côté, François Mollard, chef du service social cantonal, rappelle que l'exclusion est le fruit de la distribution des pouvoirs dans la société et que personne n'est donc à l'abri. Il convient donc de multiplier les efforts pour réfléchir ensemble aux politiques existantes. "Les pouvoirs publiques doivent notamment reconnaître l'apport des associations et les considérer comme partenaires à part entière de la lutte contre la précarité." D'où la principale idée née des débats, celle de la création d'une plate-forme consultative où travailleurs sociaux, économistes et politiques pourront réfléchir ensemble à une meilleure utilisation des ressources. Face aux exclus, chômeurs de longue durée, assistés de longue date, "toute la question aujourd'hui, résume Marc-Henry Soulet, est de se demander comment se montrer solidaires avec ceux qui ne servent à rien, autrement dit dans quelle mesure la société peut-elle se sentir responsable de ceux qui en sont sortis ?" La mise en place de cette nouvelle solidarité, "orientée vers l'autre qui ne m'est rien" demandera, on s'en doute, davantage qu'une journée de discussion.