Comment transmettre l'essentiel? La Côte planche sur la question de la transmission religieuse

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Comment transmettre l'essentiel? La Côte planche sur la question de la transmission religieuse

15 avril 2002
Religion et éducation ne font pas bon ménage. Bien des parents excluent de l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants toute dimension spirituelle
Résultat: une terrible perte de mémoire collective qui se traduit par l’ignorance de ses racines culturelles, la difficulté à structurer ses valeurs, la perte de connaissances qui aident à choisir en tout état de cause comment donner sens à sa vie. « Donner un cadre spirituel à un enfant, estime le pasteur vaudois Daniel Alexander, formateur à La Côte, c’est lui permettre de structurer son existence et de s’épanouir sur le plan personnel. Il a organisé un cycle de formation intitulé « Bisbille dans les familles » pour parler famille et transmission des valeurs.« Transmettre des valeurs spirituelles, c’est aider l’enfant à se construire, à lui donner ce que Daniel Sibony appelle dans son récent ouvrage « Nom de Dieu » (éd. du Seuil) une « divine ouverture où puiser sa joie de vivre ». Encore faut-il en convaincre les parents, qui écartent souvent la question par le silence ou l’indifférence, mais qui sont souvent rattrapés par un « Dis, c’est qui Dieu ? » qui les prend au dépourvu. Aux parents qui lui disent « Je ne crois plus en Dieu », Daniel Alexander répond par une autre question : « En quel Dieu ne croyez-vous plus ? En celui, tout puissant de votre enfance ? Alors tant mieux ! » Au cours de l’existence, les représentations qu’on se fait de Dieu évoluent forcément. Le Dieu tout puissant de l’enfance est remis en question à la première occasion, qui peut être la mort d’un grand-parent bien-aimé. « Lui qui est plus fort que mon papa, pourquoi n’a-t-il pas empêché grand-papa de mourir ? » se demande l’enfant.

Au cours de la vie, le Dieu absolu de l’enfance devient un Dieu plus intime, plus intérieur, un Dieu qui partage nos souffrances. Pour Daniel Alexander, il est nécessaire d’accompagner les enfants dans les changements de leurs représentations de Dieu. « Les parents croient qu’aimer leurs enfants suffit, constate-il, et que leur tâche éducative se borne à leur témoigner de l’affection. Le fait d’aimer leurs enfants n’épuise pas leurs obligations à leur égard, ne les soustrait pas au devoir de les socialiser aussi religieusement, de leur fixer des limites, ne leur épargne pas les conflits, nécessaires pour permettre aux enfants de grandir et de prendre un jour son envol. Or, quand l’éducation repose exclusivement sur l’affectif, il est effectivement difficile d’affronter un conflit avec ses enfants et bon nombre de parents désemparés, démissionnent. Ce qui est la plus catastrophique des façons d’aimer.

§L’essentiel est incontournable Les grandes questions existentielles sont incontournables.« Pourquoi je suis né ? A quoi sert ma vie ? est-ce que tout cela a un sens ? » Pour le formateur, la transmission des valeurs ne peut qu’aider chacun dans sa quête du symbolique e de l’essentiel qui nos échappe. Et les textes bibliques peuvent parfois aider à y voir plus clair , dans la mesure où on les relit à la lumière de s connaissances psychologiques actuelles, ce qu’a fait la psychopédagogue et bibliste genevoise Ninon Guignard l’autre soir à Lavigny, dans le cadre de la troisième rencontre de formation. Elle a proposé une lecture décapante et très « psy » de la vie du prophète Elie, dont les origines étrangement, sont tues dans l’Ancien Testament. Pour elle, Elie est en manque de père, ce qui expliquerait sa violence . Elie n’est que colère et fanatisme face à son Dieu dont il est le prophète auto-proclamé. «Son immense colère me suggère qu’un père lui a manqué, qu’il a mal à « ses pères » ( textuellement dans la Bible). Il st resté bloqué au stade narcissique du sentiment de toute puissance du petit enfant, ce qui l’a empêché d’évoluer. Dieu va l’obliger à un véritablement retournement, lui donner un fils spirituel en Elisée. La « thérapie divine » impose à Elie d’accepter la différence de l’Autre, qu’il s’agisse de Celui qui n’a pas de Nom ou de ses semblables, mais aussi de trouver la sérénité. L’approche de la psychopédagogue a le mérite de dégager dans cette histoire énigmatique des pistes pour les parents aux prises avec des enfants violents ou en colère.

Lors deux prochaines rencontres, Le psychothérapeute Pierre Lassus, directeur de l’Union française pour le Sauvetage de l’Enfance à Paris, affinera encore la réflexion menée sur l’éducation par le groupe de la Côte. Enfin, une table ronde mettra en présence des représentants des trois religions du Livre, histoire de savoir si la transmission religieuse a sa raison d’être et si elle peut être un facteur de paix dans les familles ou… de violences.