Les hôpitaux tiennent plus aux aumôniers que les Eglises

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Les hôpitaux tiennent plus aux aumôniers que les Eglises

8 avril 2002
A l’hôpital, les attentes spirituelles sont cruciales
C’est pourquoi l’accompagnement spirituel fait désormais partie intégrante de la prise en charge globale des patients. Au point que certains directeurs d’établissement s’inquiètent de voir diminuer le nombre de postes d’aumônier. Soumises aux restrictions financières, les Eglises sont tentées de préserver des activités plus traditionnelles centrées sur la paroisse et de renoncer à leur engagement auprès des malades.A l’hôpital, la dimension spirituelle est toujours mieux reconnue par les différents partenaires de la santé. Les patients mais aussi leurs proches - comme d’ailleurs le personnel soignant - sont confrontés aux grandes questions de l’existence. Sur ce terrain, les équipe d’aumônerie restent en première ligne. «L’aumônerie est aujourd’hui reconnue comme faisant partie intégrante des soins», se réjouit Ueli Stuker, responsable des aumôneries hospitalières et carcérales pour les Eglises Berne-Jura. «Nous ne sommes plus en concurrence. Nous travaillons en collaboration avec les médecins et les soignants. C’est une tendance qui s’accentue.»

Dans le processus de soin, il s’agit de prendre en compte la globalité de la personne, donc aussi ses interrogations existentielles et religieuses. Visites et entretiens personnels, célébrations de rites, collaboration avec le personnel soignant, réflexions éthiques et même pour un travail de formation, les aumôniers d’hôpitaux sont toujours plus sollicités. Ils font partie intégrante de la structure hospitalière.

Cette nécessité d’une prise en charge spirituelle en matière de santé est confirmée par plusieurs responsables d’hôpitaux, dont Anthony Staines, directeur du réseau de soins hospitaliers à St-Loup: «Pour les démarches interdisciplinaires, l’apport des aumôniers est essentiel. Nous tenons à favoriser une approche globale des patients, y compris dans leur dimension spirituelle. Voilà pourquoi nous souhaitons que la dotation des forces d’aumônerie ne soit pas réduite.»

§Les Eglises en retraitUne attente qui n’est pas toujours entendue. Dans le canton de Vaud, les réformes entrées en vigueur ces dernières années ont contraint l’Eglise réformée à réduire la voilure dans plusieurs domaines, y compris dans le travail d’aumônerie. Les postes sont passés de 12 à 8. «Une dotation minimale qui n’est pas sans poser des problèmes», s’inquiète Daniel Pétremand, coordinateur vaudois des aumôniers réformés, qui avoue ne pas toujours comprendre certains choix. «L’Eglise a parfois de la peine à s’engager au-delà de ses murs. A l’hôpital, les attentes sont pourtant cruciales.»

Autre exemple: Bienne. Certaines paroisses, confrontées à des diminutions de postes pastoraux, ont souhaité retirer leurs billes de l’aumônerie hospitalière pour réinvestir dans le travail paroissial. Une situation qui laisse Daniel Pétremand perplexe: «Le fait d’être intégré dans les établissements hospitaliers nous permet d’être crédibles dans la collaboration et le travail de proximité, certainement davantage qu’une aumônerie assurée par les pasteurs de paroisse.»

§Les hôpitaux et l’Etat s’engagentEvolution paradoxale dans une société dite «sécularisée»: pour combler ces lacunes, plusieurs établissement ont tout bonnement décidé de prendre à leur charge les frais d’aumônerie. C’est le cas à St-Loup, où il fallait remplacer le suivi autrefois assuré par les diaconesses. Les hôpitaux universitaires assument également les charges de leur aumônerie, totalement à l’Hôpital de l’Ile à Berne, partiellement au CHUV.

«Le bien être des patients concerne autant l’Eglise que l’Etat», soutient Ueli Stuker. Voilà pourquoi, poussé par ses Eglises, le canton de Berne prévoit de donner une reconnaissance législative à cette responsabilité. Un projet de loi devrait être déposé devant le Grand Conseil bernois après l’été qui reconnaît explicitement le rôle indispensable de l’aumônerie dans les prestations de chaque hôpital. Une acceptation de ce texte ouvrirait la voie d’un financement cantonal des aumôniers d’hôpitaux, comme c’est déjà le cas pour les grandes prisons (voir encadré).

Tout indique qu’à l’avenir, seul un partenariat entre les Eglises et les cantons permettra d’assurer une présence des aumôniers dans les soins. Une évolution justifiée par le rôle croissant des aumôniers dans les équipes hospitalières.

§Un service tout publicConséquence de cette pleine intégration à l’hôpital, l’aumônerie prend des allures de service public. Les médecins de l'âme doivent correspondre aux exigences posées par les établissements. La formation est bien entendu décisive. Une évaluation du travail doit être possible. Des cahiers de charges ont été élaborés. Une liste de critères de qualité précisent même l'offre des aumôniers, par exemple pour l'Hôpital de l'Île. «Cette exigence de transparence nous aide à mieux rendre compte de ce que nous faisons» explique Anne-Marie Droz, diacre auprès de l'hôpital universitaire bernois.

A Berne comme à Lausanne, le suivi spirituel prend une orientation résolument oecuménique. Le service de piquet pour les urgences est assumé par le représentant de l’une ou l’autre confession, même si la possibilité de recourir à la présence d’un ministre particulier reste possible. «Nous pouvons accueillir et orienter les patients en fonction de leurs besoins spécifiques, y compris quand il s’agit de membres d’autres religions, précise Plasch Spescha, aumônier catholique. Cela rend service à tout le monde.»

Les ministres des Eglises sont à la disposition de chacun, avec une ferme volonté de respect: «Avec tous ceux qui apportent leur aide aux patients, l’aumônier essaie , dans le respect des personnes et des convictions, de rencontrer, d’écouter et d’accompagner le malade», définit l’Association suisse des établissements hospitaliers. «Il se fait un devoir, quand le patient le souhaite, de demander un ministre d’une autre confession ou d’une autre religion.»

Cette écoute ouverte implique-t-elle une distance vis-à-vis des Eglises? A Berne, l’équipe d’aumônerie pratique de nouvelles formes de célébrations et mène une réflexion sur l’importance de certains rites à pratiquer dans le cadre hospitalier. «Cela permet une certaine créativité, mais il serait dommage de perdre les liens avec nos Eglises», prévient Anne-Marie Droz. «Nous avons un pied dans chaque institution, notre statut nous fait dépendre à la fois de l’hôpital et des Eglises, admet Daniel Pétremand. Mais, pour nous, il reste important de dire que nous avons une référence chrétienne, même si nous intervenons toujours dans le respect des diverses formes de spiritualité.»