Tim Guénard, le voyou devenu « semeur d’espérance »

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Tim Guénard, le voyou devenu « semeur d’espérance »

21 mars 2002
Une foule d’adolescents a envahi le temple de Plainpalais pour répondre à l’invitation des animateurs jeunesse de l’Eglise protestante de Genève
C’est dans un silence impressionné qu’ils ont écouté le témoignage de Tim Guénard, véritable rescapé de la violence qui a décidé un jour de donner aux autres l’amour qu’il n’a jamais reçu. Extraits. Quarante-deux ans, le visage marqué par une vie de galère et de souffrance, lTim Guénard frappe les esprits par son témoignage et impose le silence. « Les jeunes qui donnent du temps pour le Big Boss (Dieu), ça m'intéresse toujours !», dremarque--il. Mercredi dernier, à Genève, le temple de Plainpalais ne semblait pas assez grand pour contenir la foule d’adolescents venue écouter les paroles d’amour de ce rescapé de la violence.

Apiculteur, auteur de deux ouvrages dont le second vient de sortir, Tim Guénard vit aujourd’hui dans une ferme près de Lourdes avec sa femme et ses quatre enfants. Cette famille qui lui a tant manqué dans sa jeunesse et dont il parle si bien : « Un cœur qui parle est un cœur qui grandit. Dieu passe à travers ceux que l’on aime et nos enfants nous rendent moins cons. » Là-bas, au milieu des Pyrénées, il accueille des jeunes en mal de vivre à qui il tente de donner tendresse et espérance. « Le monde les traite de racaille. Moi je vois en eux des princes qui s’ignorent. Je les aide à le découvrir. »

§Aimer les larmes des autresSi l’expression revenir de loin a un sens, il doit avoir été inventé spécialement pour ce quadragénaire au regard transperçant. Abandonné par sa mère à trois ans, il est confié à son père alcoolique et violent. Un jour, ce dernier frappe son fils un peu plus fort que d’habitude et le laisse pour mort dans une cave. Tim a tout juste cinq ans. Après trois jours de coma, il reste deux ans et demi à l’hôpital pour guérir de ses multiples blessures. « Je pleurais de ne pas recevoir de visite et les autres se moquaient de moi. Ne priez pas pour la paix dans le monde si vous n’êtes pas capables d’aimer les larmes de quelqu’un. Sans attention, sans affection, je suis devenu un enfant tordu. »

Comme le sarment, l’enfant tordu ne produira de fruits qu’avec l’aide d’un tuteur. Il lui faudra du temps : neuf mois d’établissement psychiatrique, puis la maison de correction dont il s’enfuit à l’âge de douze ans pour quelques années dans les rues de Paris où il vole pour manger, dort dans un abri à vélos, est abusé sexuellement avant de devenir petit braqueur et gigolo pour dames âgées. « Ma chance a été de rencontrer une bonne juge. Quelqu’un qui écoute les enfants au lieu de les mettre dans des dossiers. » Pour faire plaisir à cette maman de substitution, Tim « s’accroche au bien », passe un CAP de sculpteur et débute une carrière prometteuse de boxeur. « Je suis allé montrer mon certificat à ma juge. Elle m’a dit qu’elle était fière de moi. Et vous savez ce qu’elle en a fait ? Elle l’a encadré et posé sur le mur à côté de ses diplômes. »

§Jésus, un franginTim Guénard a alors dix-huit ans. Un collègue maçon lui parle de Dieu, du Big Boss comme d’un copain, de quelqu’un de proche. Jusque là, on me l’avait toujours présenté comme plus haut que l’Everest. Impossible à atteindre et donc à rencontrer. » En Belgique, le maçon travaille bénévolement à l’Arche de Jean Vanier, une institution pour personnes handicapées. Tim y est engagé et commence un long cheminement de réconciliation avec lui-même. « Des années plus tard, on se rend compte que des gens vous ont tendu la main, qu’ils sont venus caresser votre cœur pour vous permettre de déjouer le destin et la malchance, de rebondir. Désormais j’essaie d’être un semeur d’espérance qui redresse la tête des gens. »

Marié depuis vingt-trois ans, Tim Guénard continue à se battre pour être un bon père et un bon mari et se guérit peu à peu de ses blessures. Il sait que se réconcilier avec son passé sera le combat de toute sa vie. « J’ai décidé d’aimer les autres comme j’aurais voulu qu’on m’aime, de les regarder comme j’aimerais que l’on me regarde. Avec amour, patience, miséricorde et pas avec les yeux d’un voyou qui ne sait que frapper. J’ai décidé que les instants présents étaient plus importants que les douleurs passées. J’apprends à donner avec mon cœur. »