3 mars 2002, Journée des malades:Les aumôniers à l’écoute des malades mentaux

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3 mars 2002, Journée des malades:Les aumôniers à l’écoute des malades mentaux

21 février 2002
On les appelle déments, aliénés, cinglés. Ils font peur et de ce fait sont rejetés ou ignorés
Le 3 mars prochain, la Journée des malades sera l’occasion de chercher à mieux comprendre ces personnes atteintes de troubles mentaux. Rencontres avec des aumôniers en milieu psychiatrique, qui tentent d’offrir à ces âmes en bataille une présence attentive et une écoute sans arrière-pensée.Donner la parole à ces malades mentaux que la société refuse d’entendre: dimanche 3 mars, la Journée des malades appellera à davantage de solidarité envers ces esprits torturés, ces âmes éclatées. « A Genève, les malades mentaux, les vieux et les prisonniers ont été isolés dans le même secteur », fait remarquer en souriant Maurice Bodinier. Depuis 1987, il offre présence et écoute aux 365 patients de la clinique Belle Idée. « Auparavant, j’étais infirmier en psychiatrie. Après mes études de théologie, j’ai demandé à revenir. »

Michel Bielmann, prêtre catholique, partage le même petit bureau. « Vingt-deux ans ici m’ont rendu très humble. Aujourd’hui, il me semble que c’est la miséricorde de Dieu qui importe. » Que faire face à tant de souffrance ? « On se sent très démunis, admet Maurice Bodinier. Personnellement, je prie souvent pour demander que mes mots soient inspirés ; qu’ils soient bien reçus. »

§Des relations fragilesEtre là, jour après jour, « présent d’une certaine manière ». A travers cette fidélité devenir le témoin de celle de Dieu. Pas facile : A Belle Idée, l’humeur change d’un jour ou d’une heure à l’autre. Réclamé la veille, l’aumônier peut être éconduit rudement le lendemain.

La maladie psychique est souvent aussi un trouble de la relation. Celle-ci reste donc à l’état d’ébauche, toujours fragile. Lorsque la personne revient à l’hôpital, car beaucoup effectuent plusieurs séjours, il faut recommencer à zéro. « Ils savent que nous serons disponibles, qu’il peut y avoir une prochaine fois. De là naît un début de confiance. Et parfois quelque chose se passe. »

Ici ou ailleurs, L’aumônier n’offre rien de matériel ou de quantifiable. La Bible est son seul médicament. A l’inverse, sa présence ne coûte rien et se donne sans arrière-pensée. Il a le temps d’écouter, sait se montrer patient. Et la persévérance n’est pas un vain mot avec ces malades à la parole embrouillée. « On rencontre les malades dans leur chambre, à la cafétéria, au détour d’un pavillon. Ils nous parlent en sachant que leurs propos ne seront consignés nulle part, dans aucun dossier. Parfois on fait un bout de chemin avec ces personnes en crise existentielle profonde. Il se passe parfois de très belles choses. »

D'émouvantes émouvantes paroles griffonnées à l’intérieur de la chapelle de Cery. en témoignent. L’établissement psychiatrique vaudois est l’un des seuls à ouvrir ce lieu de culte toute la journée. Alain Girardet, aumônier, y a installé ces cinq grands panneaux.

Autant dire qu’on y lit de tout, des prières fortes et hallucinées (« A tous ceux qui sont dans les brumes de la maladie et de la souffrance, donne Seigneur des phares anti-brouillard ») aux échanges teintées d’ironie : « Dieu est le chemin, la vérité et la vie", a griffonné un pensionnaire. « A chacun sa route », lui a répondu un inconnu.

Depuis la réorganisation de l’Eglise vaudoise, Alain Girardet se retrouve seul pour trois des quatre établissements spécialisés du canton. Malgré une gestion du temps millimétrée, il ne saurait être partout à la fois. « J’ai choisi de privilégier des contrats avec certaines unités. » Il marche tous les quinze jours en compagnie des pensionnaires de Prangins, visite des différents services de la clinique Nant, passiste aux rencontres hebdomadaires au sein de l’unité de sevrages des opiacés à Cery. « Là, je participe aussi au groupe psycho-gériatrique du lundi. J’arrive avec un thème, la présentation d’un livre, la lecture d’un article de presse. Parfois, la discussion démarre dans une toute autre direction. »

§Au-delà des conventionsLe pasteur vaudois insiste, lui aussi, sur la nécessité de se montrer à la fois vrai et régulier, véritables prolégomènes à tout entrée en communication.

Alain Girardet travaille dans ce milieu depuis vingt-trois ans. Du masochisme ? « Vraiment pas, même si bien sûr il y a des choses assez dures. Pourtant, l’état psychique des malades permet d’écarter les attitudes de façade et les hypocrisies. Avec eux, on se trouve rapidement au delà des conventions. Ils peuvent exprimer leurs douleurs, notamment par rapport aux Eglises. » Pour l’aumônier, les malades mentaux voient souvent dans la foi une sorte d’espace préservé. « Je crois qu’ils tiennent à cette référence, même s’ils en font parfois quelque chose de délirant. »