Mal connus du public, les diacres incarnent une Eglise proche des gens

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Mal connus du public, les diacres incarnent une Eglise proche des gens

5 février 2002
Traînant une réputation de petites mains du pasteur héritée du passé ou considérés à tort comme des "pasteurs stagiaires", les diacres sont parfois victimes de préjugés
Fonction distincte et complémentaire du pastorat, le diaconat manifeste concrètement la présence de l'Eglise au

sein d'une communauté. Ce ministère de proximité, exercé par des gens ayant préalablement exercé une autre activité professionnelle, reste pourtant méconnu. Une situation qui s'explique par sa grande diversité. Car il y a mille et une manière de rendre service à son prochain au nom de l'Evangile."Lorsqu'un diacre arrive dans une paroisse, cela crée parfois un décalage difficile à gérer pour lui, car les gens attendent généralement un pasteur", relève Olivier Favrod, responsable de l'accompagnement et des ministères de l'Eglise évangélique réformée vaudoise EERV). Une

situation qu'a vécue par Marie-Louise Munger au début de son ministère diaconal dans une paroisse du Val de Travers: "Je ne me suis jamais sentie cantonnée dans un rôle d'assistante du pasteur, le malaise venait

plutôt du regard que les gens portaient sur moi. On me demandait souvent quand j'allais finir ma formation pour accéder au pastorat".

Contrairement aux pasteurs, les diacres ne sont pas en charge de la réflexion théologique. "C'est un peu schématique, mais on peu dire que le pasteur prêche l'Evangile et que le rôle du diacre est d'incarner véritablement la charité envers le prochain", précise Gilles

Clerc, président du Conseil du département romand des ministères diaconaux. Les diacres ne font pourtant pas l'économie d'une formation théologique approfondie, mais c'est sur la base de leur expérience professionnelle qu'ils peuvent accéder au diaconat. C'est elle qui leur

donne cette place stratégique "au cœur du monde" et de ses réalités.

Philippe Corset était électricien avant de devenir diacre au sein de l’EERV: “La principale qualité que j’ai acquise en pratiquant mon métier et qui fait aujourd’hui ma force dans mon ministère, c’est mon aptitude à être proche des gens”, explique-t-il.

§Trouver sa place dans l’EglisePour certains diacres, intégrer l’Eglise n’a pas été évident. Gerda Ferrari, diacre à la paroisse de la Servette à Genève, s’est toujours sentie un peu marginale par rapport à l’institution ecclésiastique: ”Pour moi, il était évident que mon cheminement spirituel devait être lié à un

engagement concret dans la société. Je me suis beaucoup investie pour faire progresser la cause des femmes.” Aujourd’hui, elle vit bien son statut de diacre en paroisse. ”Au début, je craignais que l’on m’enferme

dans des tâches telles que la catéchèse, que je n’aurais pas pu, ni voulu assumer. Mais l’équipe paroissiale a respecté ma différence et ne m’a rien imposé”. Un besoin d’autonomie partagé par Vivianne Maeder, diacre à la pastorale des rues de l’Eglise réformée vaudoise: “J’ai

trouvé ma place ici, je chemine à côté des marginaux. Cela

n’aurait pas tellement eu de sens pour moi d’occuper un poste en paroisse.”

§Identité multipleLa souplesse de la fonction diaconale doit précisément permettre à l’Eglise d’offrir une place à des gens à la sensibilité et aux affinités les plus diverses. “Dans certaines paroisses, les diacres assument des

tâches très traditionnelles, alors que d’autres sont engagés dans des projets novateurs. Le diaconat permet de respecter ces différents charismes” relève Maurice Gardiol, diacre et ancien modérateur de l’Eglise protestante de Genève. L’aspect polymorphe du diaconat est

étroitement lié à l’évolution de la société à laquelle il doit s’adapter. “Aujourd’hui, il est important d’être présents auprès des sidéens et des réfugiés, souligne Philippe Clerc, La donne n’était pas la même il y a vingt ans.”

Les diacres sont minoritaires dans les Eglises réformées romandes (ils représentent moins du quart de la totalité des ministres) et les multiples facettes de la fonction diaconale la rendent difficile à cerner. “Les gens n’ont souvent pas une idée claire de ce qu’est un diacre et excepté dans l’Eglise de Genève où ils bénéficient du même

salaire que les pasteurs, ils sont moins bien rétribués qu’eux. Cela explique qu’il y ait parfois une certaine rivalité entre les uns et les autres”, explique Albert-Luc de Haller, responsable des ministères au sein de l’Eglise protestante de Genève.

Même si le pastorat est paradoxalement mieux connu que le diaconat, plus centré sur l’action de terrain, les diacres auront sans doute un rôle important à jouer à l’avenir, car, comme le constate Gilles Clerc, "le travail concret d’approche des gens est beaucoup plus important pour

la visibilité de l’Eglise que les réunions paroissiales du dimanche".