Exténués par les problèmes, les paysans s’accrochent à la hotline qui leur est ouverte.

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Exténués par les problèmes, les paysans s’accrochent à la hotline qui leur est ouverte.

26 novembre 2001
Tous les lundis, un numéro de téléphone est à disposition des paysans
Dans l’anonymat, ils trouvent écoute et conseils dans un contexte de crise et de colère. Le 041 820 02 15 a été mis en service par la communauté de travail Eglise et Agriculture. Enquête sur une hotline bien particulière.Chaque lundi entre 8h et 14h, selon le tournus, cette paysanne répond dans l’anonymat à tous les appels qui parviennent sur le natel de service. « Quelques fois, le téléphone ne dure que quelques minutes, parfois une demi-heure, raconte-t-elle, et je ne me contente pas de dire courage, tenez-bon, mais de donner des conseils pratiques – j’ai aussi une ferme, je fais de l’agrotourisme, je connais bien ce milieu . J’oriente beaucoup sur des services adéquats dont j’ai la liste en permanence à côté de moi. En moyenne, je peux recevoir six à sept appels par lundi. Il faut dire que les périodes de novembre et décembre élèvent encore cette moyenne ».

Ils sont ainsi une dizaine à se relayer semaine après semaine pour offrir écoute et conseils. Recrutés dans le monde rural, ce sont tous des bénévoles anonymes, comme à la Main tendue. Les appels en dehors des heures de service sont d’ailleurs déviés sur le 143. « Nous ne faisons pas de concurrence à la Main tendue, précise le pasteur Ueli Tobler, président de la communauté de travail Eglise et Agriculture, notre ligne téléphonique a l’avantage de cibler une minorité, le petit quatre pour cent de la population que représentent encore les paysans dans ce pays ».

§Perte de confiance et crise d’identité«Les paysans ont l’impression de ne plus avoir prise sur les événements », confie Jean-Eugène Pasche, l’un des quatre secrétaires d’Uniterre, le syndicat emmené par Fernand Cuche. L’année 2001 a créé beaucoup d’incertitudes, «les paysans manquent de repères, travaillent comme des nègres pour compenser la diminution du revenu» ajoute l’agriculteur vaudois. Ces problèmes engendrent des tensions entre générations : «Je connais quatre à cinq fils d’agriculteurs qui, malgré leur formation, ne vont pas entrer dans le métier » ajoute Jean-Eugène Pasche, « ils renoncent à un avenir trop dur à leurs yeux ». Difficultés familiales, pressions administratives, soucis financiers et conjugaux, tout finit par se lier dans une spirale infernale pour certains. Daniela Clemenz, l’une des membres de la Communauté de travail Eglise et Agriculture reconnaît que les appels viennent en majorité de femmes, épouses ou mères, inquiètes par la tournure des événements, fatiguées physiquement et psychiquement par la charge de travail. «Souvent c’est la femme qui tient la comptabilité et réalise la manière dont la situation se dégrade» explique l’agronome de Lindau, par conséquent elles réagissent plus vite pour demander de l’aide. La situation des fils célibataires inquiète aussi les mères : elles appellent pour dire leurs soucis de voir leur fils échouer dans la recherche d’une compagne ou d’une épouse.

§Ecouter pour allégerLes récentes manifestations de paysans en Suisse romande ou à Berne n’ont pas influencé de manière drastique le nombre d’appels sur la hotline. «De manière globale, la colère rentrée fait beaucoup de dégâts et les paysans manquent d’esprit de communication, précise Daniela Clemenz, notre écoute propose un accompagnement pas à pas, de manière à rendre la situation de crise supportable». Les responsables ont constaté que l’année dernière, le nombre d’appels a fortement augmenté. Face à cette demande, la communauté de travail Eglise et Agriculture veille particulièrement à la formation des répondants à la hotline. Trois sessions annuelle de retraite avec un psychologue s’ajoutent aux journées de debriefing. Il n’y a pas de place pour l’improvisation si l’on veut garder le dialogue avec des gens qui perdent espoir.