Congrès mondial de l'Association mondiale pour la communication chrétienne:Pas de réconciliation sans justice

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Congrès mondial de l'Association mondiale pour la communication chrétienne:Pas de réconciliation sans justice

13 juillet 2001
Réuni début juillet à Noordwijkerhout aux Pays-Bas, le 3e Congrès mondial de l’Association mondiale pour la communication chrétienne (WACC) avait pour thème: "Communication, de la confrontation à la réconciliation"
330 participants venus de 80 pays ont confronté leurs expériences. Un accent particulier a été mis sur des situations de guerre, de conflits ouverts, qui doivent faire l’objet d’un processus de réconciliation, pour pouvoir déboucher sur une coexistence. Les expériences les plus fréquemment citées ont été l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Guatemala et le Rwanda. La plupart des intervenants ont souligné que la mondialisation ne fait qu'accentuer les disparités Nord-Sud. "Le système est si grossièrement injuste qu'il fait penser à une apartheid globale", a lancé un ressortissant du Sud.

Madame Biko, veuve de Steve Biko, le militant noir assassiné en 1978 par les agents de l'apartheid, est formelle: la réconciliation ne peut intervenir qu'après que la justice a été rendue. Les atermoiements du gouvernement de la nouvelle Afrique du Sud mettent en danger le processus de réconciliation: la Commission Vérité et réconciliation, sous la direction de Desmond Tutu, a terminé ses travaux, les auteurs de crimes et tortures acceptant de témoigner ont été amnistiés et jouissent de tous leurs droits, mais les familles des victimes et les torturés n'ont toujours pas été indemnisés, alors que les pays du Nord exigent du pays le paiement de la "dette odieuse" de l'apartheid

§Guatemala : des agents de la réconciliationAu Guatemala, après 30 ans de guerre civile qui a coûté la vie à quelque 30'000 personnes, les deux parties en présence, forces armées et guérilla, ont préféré dans un premier temps oublier le terrorisme d'Etat et ses multiples conséquences, dont l'alcoolisme, la violence domestique, l'exil, l'indifférence, le pessimisme, la fuite dans les sectes et les fausses promesses de réconciliation.

Depuis 1996, des ONG et les Eglises historiques ont commencé un patient travail de recherche en vue d'établir les responsabilités, travail qui a abouti le 24 avril 1998 à la publication du rapport "Guatemala, plus jamais ça" (Guatemala, nunca más). Deux jours plus tard, l'évêque Julio Gerardi, ancien directeur du Bureau des droits humains de l'archidiocèse, fut assassiné. Il y a deux mois, trois officiers ont été condamnés à des peines de prison pour ce meurtre. La méthode des auteurs de ce rapport, dont Edgar Gutiérrez qui en rendait compte à Noordwijkerhout, s'appelle REMHI: récupération de la mémoire historique et subversive. Ils ont consulté les villageois de 600 communautés dans l'ensemble du pays. Ils ont nommé la peur, l'ont analysée, ont proposé des voies créatives pour revenir à l'amour de la vie et à l'espérance.

"La dignité humaine est notre trésor, nous l'avons redécouverte, nous récupérons la mémoire au lieu de l'occulter au profond de nous-mêmes", a conclu E. Gutiérrez. Mais le processus est loin d'être terminé: beaucoup de continuateurs des atrocités nient toujours toute responsabilité, et même les faits. Les agents de la réconciliation n'abandonnent pas pour autant leur rêve: construire un Guatemala réconcilié avec son passé.

§Admirables grands-mèresPlus connue, la lutte des Grands-mères de la Place de mai, à Buenos Aires, pour récupérer leurs petits-enfants séquestrés par la dictature militaire, devient plus astucieuse encore. La Place de mai, où se dresse le palais de la présidence, est pour elles "un lieu de lutte et de résistance", où elles continuent de faire leurs rondes tous les jeudis depuis 24 ans! La recherche des petits enfants inclut désormais le code génétique établi à partir de celui des grands-parents (puisque les parents des enfants séquestrés ont été tués). La restitution de leur véritable identité aux enfants volés par les militaires, est "un exercice permanent de mémoire", selon la définition de la présidente des grands-mères, Estela Barnes de Carlotto. Les médias néerlandais l'ont beaucoup entourée. On sait en effet que le prince héritier des Pays-Bas va épouser la fille d'un Argentin, Jorge Zorreguieta, qui fut ministre du temps de la "guerre sale". Celui-ci nie avoir eu connaissance de la pratique des "Disparitions forcées". "Impossible, rétorque Mme Carlotto: le gouvernement était parfaitement au courant!"

Les grâces présidentielles de Carlos Menem (actuellement en prison pour trafic d'armes) avaient libéré tous les condamnés de la junte militaire. Mais comme la loi d'amnistie avait "oublié" le séquestre d'enfants, la justice suit actuellement son cours, et onze militaires responsables des enlèvements sont en résidence surveillée. La vérité surgit peu à peu, sur les 460 camps de concentration, les 25 à 30'000 disparus, les exactions de toutes sortes: "ils ont volé les enfants en même temps que les réfrigérateurs et les cuisinières des résistants politiques, comme des objets; quand on aime un enfant, on ne le vole pas!" s'écrie Mme Carlotto.

Elle conclut, devant un auditoire ému: "Reconstruire l'histoire interrompue, restituer l'identité dérobée, c'est un acte d'amour. La réconciliation est seulement possible dans le cadre de la justice et de la vérité."

§La responsabilité des Eglises au RwandaDu pays des mille collines, c'est une ancienne ministre qui est venue témoigner, Mme Aloisea Inyumba, actuellement secrétaire exécutive de la Commission nationale pour l'unité et la réconciliation au Rwanda. Elle affirme: "La réconciliation est en cours dans notre pays; le gouvernement et le parlement comptent pour la première fois des Tutsis, des Hutus et des Twas. Nous avons en commun une seule culture, la kinyarwanda." Avec la participation des groupes de la base, une nouvelle constitution est en route, qui devrait être adoptée en 2003.

Le processus de réconciliation comporte différents stades, là aussi: enterrer les morts, rétablir la sécurité, placer les orphelins dans des familles (le nombre d'orphelinats est passé de 100 à 25), dispenser l'instruction civique. La Commission nationale pour l'unité et la réconciliation qui a été mise en place travaille avec les institutions et les associations. "Les Eglises, en particulier l'Eglise catholique", regrette Mme Inyumba, "n'ont pas joué leur rôle prophétique" avant et pendant le génocide.

Directeur du Centre missionnaire d'études et de recherches des frères de Maryknoll, un ordre catholique des Etats Unis, Tom Bamat vient compléter cette information: "L'administration coloniale belge, suivant en cela les critères des missionnaires catholiques, a adopté des distinctions rien moins que sûres entre Hutus, Tutsis et Twas. La leçon majeure que nous avons apprise dans cette tragédie, c'est que ces catégories sont importées et ont stimulé les affrontements."