Ringard, le culte du dimanche ?Les alternatives se multiplient pour mieux se rapprocher des gens

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Ringard, le culte du dimanche ?Les alternatives se multiplient pour mieux se rapprocher des gens

1 juin 2001
La forme traditionnelle du culte dominical ne convient plus qu’à une minorité
Et les alternatives fleurissent: pour les jeunes, les personnes âgées, les malades ou les bénévoles. Des pasteurs cherchent de nouvelles manières d’attirer les gens. Ainsi, l’église méthodiste de Lausanne propose depuis peu une célébration pour attraper les pendulaires à la sortie du bureau. A Champel, au contraire, un espace de prière offre une halte loin de l’essoufflement du quotidien. Il y a quelques mois,lors d’un colloque, l’Institut romand de la pastorale s’est penché sur une diversification des services de plus en plus importante.

Le constat est européen : la pratique dominicale décline. Si l’Eglise reste fréquentée aux moments importants de la vie, de la naissance à la mort en passant par le mariage, le culte, comme la messe, esdt de moins en moins fréquenté. Théologiens et sociologues se penchent depuis plusieurs années sur ce profond changement de la pratique du religieux, exprimé en terme d’individualisation, voire de désinstitutionnalisation (lire encadré). De leurs côtés, les ministres cherchent à trouver des alternatives, et des nouveaux moyens de transmettre l’Evangile. D’où l’arrivée de nouvelles formes de célébrations. Cultes pour les jeunes et les catéchèses ou au contraire pour les personnes âgées (Neuchâtel par exemple), pour les malades (Genève, Neuchâtel, notamment) ou les bénévoles en pleine santé (Neuchâtel), bouillonnement des églises ouvertes (Genève, Bâle, St-Gall entre autres) recueillement des espaces de prière : un peu partout, l’hétérogénéité des services devient la norme.

§Prier entre le bureau et la Migros« Le profane a envahi l’Eglise, note Martial Deléchat, vicaire de l’Eglise méthodiste de Lausanne. Pour la majorité, croyants ou non, l’Ascension représente davantage un week-end prolongé que le rappel de la montée du Christ au ciel. A partir de là, on peut considérer que le message biblique est devenu obsolète. Mais si on considère qu’il vaut encore la peine de le transmettre, il faut à l’évidence trouver de nouveaux moyens. » D’où son idée de créer un culte pour les pendulaires. Depuis novembre dernier, la célébration réunit une poignée de personnes chaque vendredi en fin d’après-midi. « Mon but est de viser tous ces gens qui travaillent à Lausanne et vivent ailleurs sans réellement participer à la vie communautaire de leur village. Après un petit sondage, je me suis dit que certains pourraient être intéressés par un culte un soir de semaine, en sortant du bureau. »

Martial Deléchat envoie des centaines de lettres aux petites et moyennes entreprises de l’agglomération lausannoise. « Visiblement, mon annonce a souvent subi la loi du classement vertical, en terminant à la poubelle et non sur un panneau d’affichage. » Il fait aussi la tournée des parkings-relais et laisse quelque 4000 papillons sur les pare-brises. « Une fois, sourit-il, je suis resté, pour voir. C’est vrai, j’en ai récupéré pas mal sur le sol. Mais un tiers des automobilistes partaient avec. Ou ne le jetaient pas tout de suite. »

Les cultes pour pendulaires n’attire pas les foules. Une dizaine de personnes en moyenne. De quoi baisser les bras ? « Non, parce que si cette initiative ne répondait pas à un besoin, même très minoritaire, ces quelques-uns ne viendraient plus. Et puis ce sont de beaux moments, sans routine, avec des gens véritablement en recherche. Peut-être pas de la même chose, mais qu’importe. » Jamais à court d’idées, le vicaire réfléchit maintenant à un culte au café. « A la limite, explique un brin provocateur Martial Deléchat, on pourrait établir une analogie entre les églises et les épiceries de campagne : tout le monde se plaint de leur disparition, mais personne n’y va jamais. Je crois que l’on pourrait fermer le trois-quart des paroisses, et multiplier les groupes de maison. Bref, créer une Eglise de proximité qui rejoigne les gens dans leur réalité. »

§S’arrêter pour se reconstruireAutre visée, autre style à Champel, avec un espace de prière. Francine Carrillo, pasteure, voit la mission de l’Eglise comme une présence vécue dans le monde, et non comme la volonté de faire de nouveaux membres. « Je suis convaincue que notre tâche est là : susciter des raisons d’espérer en un temps où les repères sont devenus terriblement flous, et où le sens s’affole. » Une reconstruction de l’humain qui ne peut passer que par la « reconstruction d’un ancrage intérieur. Or, pour se laisser rencontrer par Dieu, il faut créer un espace, se donner du temps dans le temps. » Voilà donc la chapelle de Champel qui se transforme, chaque vendredi soir, en en lieu de respiration et de ressourcement ; un « lieu intérieur que nous essayons d’ouvrir à l’accueil des autres». Après la lecture du jour, 20 minutes de silence pour laisser la Parole pénétrer au plus profond des cœurs. Francine Carrillo explique: « Ce qui menace nos cultes est à l’image de ce qui menace nos vies, c’est du trop. Un trop plein de mots qui submergent plutôt qu’ils ne font vivre. Et j’entends bien dans l’essoufflement général ce besoin de faire halte et de renouer dans le silence avec une présence qui nous rende la capacité de choisir plutôt que de subir nos existences. »