Prédication new-look pour pasteurs du 3e millénaire

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Prédication new-look pour pasteurs du 3e millénaire

16 février 2001
"Les pasteurs prêchent trop souvent comme en 1930"
Directeur du théâtre du Jorat (VD), licencié en théologie, Jean Chollet dirige des stages de prédication ouverts aux pasteurs désireux d'explorer de nouvelles façons de communiquer. Elles s'inspirent des médias et de la publicité et intègrent de la musique et des éclairages. Objectif: transmettre une parole directe et incarnée qui déclenche si possible chez les fidèles une réflexion à long terme.

La prédication est le point culminant du culte dominical protestant. L'espace d'une dizaine de minutes, le pasteur analyse un texte biblique et le sens qu'il prend dans le présent. L'exercice revêt pour lui d'autant plus d'importance qu'il y a consacré une dizaine d'heures de préparation. L'assemblée, en revanche, a souvent de la peine à suivre et à en tirer une "nourriture spirituelle". Le hic: un discours intellectuel qui tend à dire aux gens ce qu'ils doivent penser tout en laissant de côté le témoignage et l'émotion. "Les pasteurs ne jouent que sur une seule corde, explique Jean Chollet, alors qu'il existe d'autres façons de communiquer. Les hommes politiques, les avocats ou les professeurs ont totalement changé de vocabulaire. Pourquoi les pasteurs feraient-ils exception?". Avec la complicité du pasteur Serge Molla, il a mis sur pied des stages de prédication où l'on explore de nouvelles formes de communication évitant le piège du beau langage théologique que personne ne comprend.

§Comme au cinémaLes deux compères commencent par souligner l'atout extraordinaire que représente la présence d'un musicien en direct tous les dimanches. L'orgue peut souligner les passages importants d'une prédication, intervenir en contrepoint d'un propos, et rendre de ce fait le message plus éloquent: "Comme au cinéma, on peut imaginer toutes les complémentarités possibles entre musique et voix", remarque Jean Chollet. On peut aussi recourir aux éclairages, éventuellement aux fumigènes: "Je me souviens d'une prédication sur le thème de l'Exode où tout le monde avait marché à travers l'Eglise au milieu des fumigènes, dans une atmosphère lourde, pour ressentir l'impression d'étouffement du peuple d'Israël derrière sa "colonne de feu"".

Mais pour l'homme de théâtre vaudois, une prédication est véritablement réussie quand la forme réussit à mettre en valeur le fond. D'où son affection particulière pour la performance d'un "stagiaire" qui avait mimé la scène où Marie-Madeleine lave les pieds de Jésus avec du parfum sous les traits d'un homosexuel pratiquant le même geste. Ce qui a eu le don de choquer tout le monde, très exactement comme Marie-Madeleine avait choqué son monde il y a 2000 ans.

Des pasteurs ont aussi imaginé, pour illustrer cette fois-ci le récit du veau d'or, de recueillir à l'entrée de l'Eglise les clés des personnes et de les mettre toutes ensemble: "Le veau d'or, c'est le chez soi des Suisses fermé à double tour et où n'entre pas qui veut".

§United Colors of ResurrectionJean Chollet et Serge Molla se réfèrent aussi à la publicité comme source d'inspiration pour concocter de bonnes prédications, brèves et cinglantes, avec l'avantage qu'elles s'appuient sur des images que tout le monde a déjà vues mille fois. Une pasteure s'était ainsi permis de pasticher une affiche de Benetton montrant un condamné à mort américain. A la place du visage du condamné à mort, elle avait mis celui de Jésus avec, dans le petit carré vert: "United Colors of Resurrection": "Nous n'avons jamais oublié ce slogan, et cela peut constituer l'un des axes d'une excellente prédication", s'exclame Jean Chollet. Autre détournement publicitaire réussi: l'affiche d'un célèbre chameau fumant une cigarette assortie d'un nouveau slogan: "goûtez comme le Seigneur est bon".

Et Jean Chollet prône l'effet de surprise dans la prédication. Au lieu de se conformer à la durée standard d'une dizaine de minutes, il propose de varier la durée d'un dimanche à l'autre: "Par exemple, s'il a prêché longuement, le pasteur peut annoncer que la prochaine fois, il ne prêchera que deux minutes, et ça donnera peut-être envie aux gens d'assister à ce tour de force".

§Et ça marcheDu côté des participants, c'est la satisfaction et l'envie de se tester dans le concret dans d'autres manières de prêcher que la traditionnelle explication de texte biblique. Beaucoup ont d'ailleurs mis en pratique "la prédication narrative" qui est de raconter une histoire au lieu de développer un raisonnement théologique: "Les gens se sentent plus impliqués", estime le pasteur Jean-Marie Thévoz. "Des choses profondes peuvent être exprimées dans une histoire", relève la pasteure Magda Eggimmann. Pareil attrait pour la prédication narrative n'étonne d'ailleurs pas Jean Chollet: "Relisez la Bible. Jésus ne répond jamais directement aux questions qu'on lui pose. Il préfère toujours raconter une histoire".