Les Eglises sondent les attentes des Suisses face à l'avenir

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Les Eglises sondent les attentes des Suisses face à l'avenir

18 octobre 2000
Les Eglises protestantes et catholique mettent la dernière main à un travail colossal destiné à connaître les aspirations de la population helvétique pour le 21e siècle
Dans le cadre de la "Consultation œcuménique pour l'avenir économique et social de la Suisse", plusieurs milliers de citoyens ont exprimé leurs inquiétudes face aux mutations de la société et appelé de leurs voeux un futur à dimension humaine. Ce vaste sondage qui met à jour les inquiétudes et les projets d'avenir des Suisses devrait servir de base à l'action future des Eglises."Quel avenir voulons-nous?". Cette interpellation lancée en 1998 par les Eglises protestantes et catholique à toutes les couches de la population a engendré 1200 réponses individuelles et collectives. A travers ce foisonnement de prises de position écrites, les Suisses ont exprimé leurs inquiétudes face aux mutations de la société et leurs idéaux d'avenir. En tout, ce sont plusieurs milliers de pages qui ont ainsi été dépouillées et analysées par les responsables de la "Consultation œcuménique pour l'avenir économique et social de la Suisse". Les résultats de ce colossal travail de synthèse figurent dans un tout récent "Rapport d'évaluation" réalisé avec l'appui scientifique du sociologue Thomas Engelberger et du professeur de science politique René Knüsel, et coordonné par Béatrice Bowald. Si ce rapport ne livre pas une photographie de l'opinion publique de notre pays – il eût pour cela fallu faire un sondage "classique" - , il n'en révèle pas moins un courant d'opinion bien réel qui s'inquiète de l'évolution économique contemporaine et souhaite la réformer dans un sens plus favorable aux catégories sociales les plus fragiles et à la famille.

§DégradationUne majorité de gens ayant répondu à la "Consultation œcuménique" estiment que la prospérité et la coexistence sociale pacifique ont été mises à mal. En cause, le primat de l'économie synonyme de stress, réductions salariales et licenciements. "Le travail a perdu sa dimension positive. Il ne sert qu'à gagner de l'argent", constate, au vu des réponses analysées, le "Rapport d'évaluation". On s'inquiète aussi de l'émergence d'une société à deux vitesses où les salariés et les chômeurs seraient perdants, et où les travailleurs, surmenés, n'occuperaient pas une place beaucoup plus enviables. Un pessimisme renforcé par le manque de confiance envers l'Etat et la sensation que ce sont désormais les représentants de l'économie qui orientent la politique.

§Sauvez la famille!C'est aussi un cri d'alarme au sujet de la famille qui émane des 1200 réponses de la "Consultation œcuménique". On s'inquiète qu'elle n'arrive plus à remplir son rôle traditionnel de socialisation et que les parents, souvent obligés tous deux de travailler, ne bénéficient plus des conditions adéquates pour accomplir leurs tâches éducatives. Certains affirment même que les valeurs familiales seraient en contradiction avec la société actuelle. Partage, écoute, stabilité, solidarité d'un côté, rendement, concurrence, efficacité, de l'autre. Pour rétablir l'équilibre, on demande à l'Etat d'aménager la fiscalité et d'offrir des aides financières ponctuelles afin que, à terme, un seul salaire par ménage suffise et qu'un meilleur partage des tâches domestiques soit possible au sein des familles.

§Peur de l'étrangerPlusieurs personnes expriment aussi leur peur de l'étranger et la conviction que la délinquance va de pair avec une forte population étrangère: "En filigrane se profile une vision dichotomisée de la société, plaçant de part et d'autre, des Suisses, vertueux, et des étrangers, criminels, profiteurs, paresseux", note le rapport. Toutefois, dès le moment où les étrangers travaillent et se plient aux habitudes de vie helvétiques, leur présence semble mieux acceptée et peut représenter une source d'ouverture sur le monde, voire l'occasion d'une remise en question salutaire.

§EspoirsLes mutations économiques et sociales n'engendrent toutefois pas que des sentiments d'angoisse chez les participants à la "Consultation oecuménique". Un certain nombre d'évolution semblent porteuses d'espoirs, en particulier l'engagement des ONG pour les droits de l'homme et la condamnation des crimes contre l'humanité. De nombreuses personnes saluent aussi la prise de conscience éthique dans le milieu des affaires qui, depuis quelques années, offre des possibilités d'investissement respectueuses de l'environnement et intégrant des critères sociaux. On cite souvent La Banque alternative, les Magasins du monde ou les produits Max Havelaar comme les fers de lance d'une transformation salutaire du commerce international.

§Ligne de conduiteDans un message qui sera rendu public en septembre 2001, la Conférence des évêques suisses (CES) et la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) commenteront ce volumineux rapport qui révèle l'état d'esprit d'une partie de la population helvétique. Elles devraient y exprimer ce qu'elles souhaitent quant à l'avenir du pays et à la manière dont les Eglises entendent répondre aux préoccupations des citoyens d'aujourd'hui. Cette dynamique prospective, les responsables de "Consultation œcuménique" espèrent aussi l'insuffler dans les communautés paroissiales de base. Raison pour laquelle ils ont d'ores et déjà appelé tout un chacun à prendre connaissance des aspirations exprimées dans le rapport et à imaginer des solutions concrètes pour les satisfaire.