Quarante ans au Mozambique: Une Jurassienne raconte sa vie africaine

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Quarante ans au Mozambique: Une Jurassienne raconte sa vie africaine

13 octobre 2000
Destin inhabituel que celui de Madeleine Juillerat de La Tour-de-Peilz: au seuil des années 50, elle quitte son Jura natal pour le Mozambique, à une époque où Maputo, la capitale, s’appelait encore Lourenço-Marques
Au gré des malles faites et défaites, des interruptions dues à la guerre, l’animatrice de jeunesse va tisser des liens exceptionnels sur plus de quarante ans. Elle publie aujourd’hui le récit de sa vie aux éditions Cabédita.

Photos disponibles chez Cabédita au 021/800 47 51« Si j’étais restée dans ma vallée, au Fuet, j’aurais eu un travail de régleuse dans une usine d’horlogerie. Mais je savais que j’allais échapper à un travail minutieux, à cette routine d’usine. Je n’étais pas faite pour cette vie-là, j’étais trop indépendante ! ». Partir, oui, mais comment lorsqu’on est petite-fille de paysans, au début des années cinquante dans la région de Tavannes ? Madeleine Juillerat nous décrit ces moments décisifs dans le livre autobiographique qui vient de sortir aux Editions Cabédita. Elle évoque sa découverte de l’Afrique, ce continent alors à trois semaines de bateau de l’Europe, les vastes plaines du Mozambique où après s’être formée dans une station de la Mission Suisse, elle s’installe dans une hutte à Mausse, pour animer un internat de jeunes écolières. Pas question pour une Blanche de jouer à être africaine, Madeleine Juillerat perçoit les limites de l’adaptation, mais l’Afrique la fascine : « J’ai toujours aimé la lumière de ce pays, je m’y suis épanouie grâce à la chaleur des contacts humains.» Pourtant, Madeleine Juillerat était du mauvais côté dans ce Mozambique sous tutelle portugaise.

Son mariage avec un pasteur protestant l’a vite classée : « Protestants, nous étions considérés comme des graines de communistes, car dans l’enseignement on faisait des Africains nos égaux. On travaillait avec un esprit d’équipe. Le gouvernement n’aimait pas ça ». De retour en Suisse au début des années 60, le couple Juillerat accueillera à plusieurs reprises Edouardo Mondlane, président du Frelimo, le mouvement de libération du Mozambique, lors de ses passages à Genève.

§Jamais seuleLe titre –la Vie a toujours le dernier mot– est aussi une phrase que Madeleine Juillerat a glissée dans son manuscrit. Elle pèse de tout son poids au moment où, mère d’une petite fille de trois ans, elle se retrouve veuve. C’est alors que Madeleine Juillerat prend une décision incroyable : emmenant sa fille, elle retourne au Mozambique pour « remettre ses pas » dans ceux de son mari. Responsable d’un internat de quelque six cents pensionnaires, elle va surmonter son deuil. Celle qui déteste toute forme de prosélytisme avoue « qu’une main était sur elle, qu’elle a reçu la force de continuer, de se tourner vers les autres. ». Après quatre ans, c’est un nouvel intermède en Suisse. Mais le Mozambique devenu indépendant n’oublie pas Madeleine Juillerat. A 66 ans, mettant sa retraite entre parenthèses, elle n’hésite pas à refaire ses valises pour relancer un cours de formation. Seulement, la guerre civile a laissé des plaies et des orphelins et Madeleine Juillerat croise le dénuement et la violence des enfants de la rue.

§La force de vivreEn février dernier, lorsque le Mozambique a connu de très graves inondations, Madeleine Juillerat a été frappée par ces images de gens réfugiés sur les arbres : « Même dans cette situation extrême, il y avait une femme qui se débrouillait pour cuisiner; voilà la force de vivre que j’admire et que nous ne connaissons plus ici. » Madeleine Juillerat aura été à bonne école.

§Madeleine Juillerat : « la Vie a toujours le dernier mot » Edition Cabédita, 1137 Yens.§