Nike, Adidas, Puma, Reebok: des usines-prisons en Chine

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Nike, Adidas, Puma, Reebok: des usines-prisons en Chine

19 septembre 2000
Alors que le monde entier a les yeux tournés vers Sidney, un rapport dénonce les produits stars des Jeux olympiques, Nike, Adidas, Puma, fabriqués dans des usines-prisons de sous-traitance chinoises au mépris de la santé des ouvriers et pour des salaires dérisoires
Malgré des conditions de travail inhumaines, ces usines convoitent le prestigieux label ISO 9000 qui confère une aura de probité et ouvre grandes les portes du marché international Alors que le gotha de l'athlétisme s'affronte aux jeux olympiques de Sidney, le Hong Kong Christian Industrial Committee (HKCIC) lance un pavé dans la mare en rendant public un rapport sur la production de baskets Nike, Adidas, Puma et Reebok en Chine. Au terme d'une patiente et minutieuse investigation dans sept usines travaillant pour le compte des grandes firmes américaines de chaussures de sport, il apparaît que toutes violent systématiquement les droits fondamentaux des ouvriers: "Toutes pratiquent un management sévère digne d'un régime carcéral", affirme le rapport. Cela n'empêche pas deux d'entre elles de convoiter le prestigieux label ISO 9000 qui atteste une production de haute qualité et confère à son détenteur une aura de sérieux et de probité.

§Conditions carcéralesEt pourtant. Les salaires sont si bas que les ouvriers n'ont d'autres alternatives que de vivre dans des dortoirs au sein même l'entreprise. Cela permet à la direction d'exiger une foule d'heures supplémentaires. En cas de refus, les "contrevenants" se voient infliger des amendes et reçoivent des lettres cominatoires. Il est aussi généralement interdit de quitter l'usine pour prendre un repas à l'extérieur, de parler avec un collègue pendant les heures de travail, ou encore, d'aller plus de trois fois par jour au toilette. Dans des cas extrêmes, des agents de sécurité "mâles" effectuent des fouilles corporelles sur le personnel féminin afin "d'empêcher les vols". Par ailleurs, il est d'usage de retenir un mois de salaire pour dissuader les employés de donner leur congé. Stratagème efficace, puisque la procédure pour récupérer cette somme est tellement compliquée que la plupart des employés renoncent à la récupérer lorsqu'ils quittent leur poste. Sans compter les dangers encourus sur les chaînes de montage. D'après les estimations, 50'000 doigts par année seraient accidentellement coupés. Un événement si fréquent que certaines entreprises se permettent deux amputations par mois avant de revoir les mesures de sécurité.

§Code de conduiteCes manquements interviennent alors que Nike, Adidas, Reebok et Puma ont signé un code de bonne conduite garantissant en principe un traitement équitable à leur personnel. Le hic est que ces multinationales n'autorisent pas de contrôles indépendants sur le terrain. Elles dépêchent dans les usines leurs propres inspecteurs dont l'objectivité est sujette à caution. Dans ces conditions, précise le rapport, les codes de bonne conduite deviennent des engagements de façade destinés à rassurer l'opinion publique. "Ce sont aux travailleurs eux-mêmes de vérifier l'application des codes de bonne conduite. Des représentants syndicaux doivent être intégrés aux commission d'inspection". Un contre-pouvoir syndical d'autant plus urgent que Nike, Adidas, Reebok et Puma dépensent des millions de dollars pour peaufiner leur image dans les médias ou pour commander des audits à des sociétés prétendument indépendantes. Preuve que la liberté syndicale est le nerf de la guerre, partout où des avancées ont été obtenues en la matière, les multinationales se sont empressées de délocaliser. A l'instar des usines de sous-traitance Nike d'abord établies en Corée et à Taiwan, et qui ont été transférées en Chine et en Indonésie dès le moment où les ouvriers ont obtenu un début de liberté syndicale.