La réconciliation passe par la justice: un Palestinien et un rabbin se rencontrent à Caux (VD)

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La réconciliation passe par la justice: un Palestinien et un rabbin se rencontrent à Caux (VD)

16 août 2000
"La paix au proche Orient ne se joue pas seulement à Camp David entre diplomates et politiciens
Elle se cherche aussi entre artisans de la réconciliation sur le terrain, au Centre de rencontres de Caux (Vaud) qui a réuni mardi soir le rabbin américain Marc Gopin et le Palestinien Mustafa Abu Sway, professeur à Jérusalem pour une table ronde intitulée "Guérir les blessures de l'histoire et réconcilier les adversaires". Cette rencontre fut l'un des temps forts de cette semaine consacrée au pardon pour les fautes du passé. "Pourquoi parler du passé, alors que c'est du présent qu'il faut parler, rappela l'hôte palestinien.Aujourd'hui, il ne se passe un jour à Jérusalem sans qu'une de nos maisons soit détruite ou murée".

Par mesure de prudence, Mustafa Abu Sway a repris les chiffres donnés par les Israéliens eux-mêmes: 73 % de la Cisjordanie a été confisquée par Israël, 6 millions de foyers ont été détruits. Pour l'interlocuteur palestinien, qui mesure ses mots par souci de n'offenser personne, il faut parler de justice avant d'évoquer le pardon dont parlent les Ecritures Saintes aussi bien juives que musulmanes. "La repentance a plusieurs conditions, la première est de cesser de perpétuer le péché pour lequel on demande pardon. La justice est la condition première pour entamer un processus de réconciliation", estima Mustafa Abu Sway.

"Je suis désolé d'avoir pris tellement de temps pour reconnaître ce qui a été infligé aux Palestiniens par mon peuple, dit le rabbin Marc Gopin, qui s'exprima en premier, et pour trouver la voie juste pour vivre ensemble dans la dignité et même l'amitié".

Sa confession fut courte et dense, mais personne dans l'assemblée, formée d'une soixantaine de nationalités et de religions différentes, ne s'y est trompé: elle est le fruit d'un courageux travail de réflexion, qui l'expose à la critique et à l'incompréhension d'une partie des siens.

§Regarder les horreurs en faceConscient des toutes les souffrances qui servent de toile de fond à une réconciliation, le théologien protestant allemand Geiko Müller-Fahrenholz, qui participait à la table ronde, de la nécessité pour les parties de regarder courageusement les horreurs en face et de confesserleurs fautes. Se basant sur sa propre expérience,il évoqua le travail de "décontamination du passé" qu'il faut absolument mener pour que les jeunes générations ne soient plus des otages du passé. "Il faut libérer les jeunes des chaînes du passé afin de casser les mécanismes de la violence induits par les blessures des parents."

Une participante juive est intervenue pour évoquer la culpabilité qui l'étreignait face à l'histoire de l'Holocauste dont sa génération n'a pas encore véritablement tiré des enseignements. Le silence de l'assemblée était vibrant d'émotion. Chacun mesurait à quel point se voir soi-même dans le regard de l'autre est un acte difficile et courageux, mais porteur d'espoir de paix.

Les jours précédents furent marqués par le face à face d'un milicien chrétien libanais repenti et d'un ancien franc-tireur musulman, tous deux engagés pour la réconciliation au Liban et persuadés que toutes les causes politiques du monde ne sauraient justifier le bain de sang dont ils avaient été acteurs et témoins. Tous deux présentèrent leurs excuses pour les actes qu'ils avaient commis autrefois.