Véronique Laufer, décès d’une pasteure qui voulait une Eglise proche des gens

© Capture d'écran Plan Fixe
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© Capture d'écran Plan Fixe

Véronique Laufer, décès d’une pasteure qui voulait une Eglise proche des gens

4 octobre 2017
Née dans une famille bourgeoise en 1922, Véronique Laufer s’est «décapée» de cette éducation en tenant un lieu d’accueil avec une association œcuménique pour les ouvriers qui reconstruisent Caen après-guerre. Cette expérience marque cette femme qui luttera toute sa vie pour plus de justice et pour une Eglise incarnée.

«Elle est morte adulte avec une maturité et un calme incroyable; très confiante qu’il y a quelqu’un de l’autre côté pour l’accueillir», souffle le pasteur Nicolas Besson, responsable des ressources humaines de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) en évoquant le décès dimanche 1er octobre de Véronique Laufer. «Elle était ma copine de 96 ans», sourit-il. Une amitié qui est née alors que Nicolas Besson était pasteur à Morges où Véronique Laufer s’est installée avec sa sœur lorsque la pasteure de l’Eglise protestante de Genève a pris sa retraite en 1987. «Fin juin, elle m’a téléphoné. Elle m’a dit “mon médecin pense que je vais mourir”», raison pour laquelle elle s’est rendue dans un centre de soins palliatifs.

Durant sa retraite, Véronique Laufer a été disponible pour de nombreuses discussions, et priait régulièrement pour les personnes qui lui tenaient à cœur. Nicolas Besson résume «célibataire et sans enfant, elle a enfanté pas mal de monde!» Dans le «Plan fixe» qui lui a été consacré en 2014, elle évoque notamment les ressources humaines de l’EERV. «Je pense que cela lui tenait à cœur, car elle aimait que l’Eglise évolue!», explique Nicolas Besson. «Elle était féministe et socialiste. C’était une façon de vivre une liturgie et une théologie incarnée.»

La vie de Véronique Laufer témoigne de cette volonté de faire vivre une Eglise proche des gens. En 2014 dans une interview pour «Hautes fréquences», elle explique: «j’ai été élevée dans un milieu protégé, privilégié, très cultivé. Et j’ai petit à petit découvert que c’était exceptionnel.» Une découverte qu’elle fait au travers de camarades de gymnase ou des scouts. «Je n’avais pas le droit d’aller à la cuisine quand j’étais enfant, car c’était le lieu de vie de la gouvernante, de la cuisinière et de la femme de chambre», illustre-t-elle. Puis plus tard, elle prendra conscience de l’horreur de la guerre en Europe grâce aux femmes avec lesquelles elle nouera contact durant sa formation en théologie à l’Université de Genève.

J’ai été salutairement décapée de mon éducation bourgeoise
Véronique Laufer

Elle décide donc de s’engager et après la guerre part à Caen avec la CIMADE, l’actuel Service d’entraide œcuménique français. La ville est entièrement détruite et la CIMADE y tient un lieu d’accueil pour les ouvriers pour la plupart algériens venu débarrasser les décombres. «J’ai été salutairement décapée de mon éducation bourgeoise», explique-t-elle dans le «Plan fixe». «Quand ils apprenaient combien nous gagnions, les ouvriers disaient, “ce n’est pas pour l’argent que vous êtes là, c’est pour gagner votre salut”. Et nous leur expliquions que pour nous le salut ne se méritait pas que c’était une conviction», raconte-t-elle dans le film. «Tous les cours que j’ai suivis, comme l’exégèse. Je ne sais pas à quoi cela me servait.» Elle a passé deux ans à Caen avant de partir près de Francfort. Elle participe à la création d’une université à Mayence «sous Hitler, les jeunes Allemands avaient perdu la liberté de s’exprimer. Il fallait leur redonner la possibilité de parler», explique-t-elle dans une interview à Protestinfo en 2013.

En 1950, elle rentre en Suisse et s’engage auprès de l’Eglise protestante de Genève. Et c’est la douche froide: «D’un monde d’adultes où j’étais utile, je suis passée larbine au Moyen-Age!», raconte-t-elle dans l’interview à l’agence presse. Elle profite donc d’une bourse pour se rendre à New York où elle a travaillé pour le Conseil œcuménique des Eglises, puis à Paris à nouveau pour la Cimade.

Elle ne rentre en Suisse qu’en 1966. Les nouveaux quartiers voient le jour dans la banlieue genevoise, elle participe en tant que diacre à développer l’offre de l’Eglise dans ses nouveaux lieux. «C’était fou, on pouvait tenter plein de nouvelles expériences!», explique-t-elle à Protestinfo. «Tout bougeait à ce moment-là. Nous avons fait des études pour savoir qui étaient nos responsables au Consistoire: quels étaient leurs métiers, leur âge, combien de femmes y étaient représentées... C’était une façon nouvelle de faire, basée sur la sociologie et les sciences humaines.»

En 1974, elle s’engage pour la paroisse de Champel. «A 52 ans, j’ai commencé à prêcher. On m’a demandé si je le faisais et j’ai dit que je ne l’avais jamais fait, mais que je le faisais volontiers», relate-t-elle dans «Plan fixe». Quelques années plus tard, elle réalise qu’elle fait tout ce qu’un pasteur fait. «Je suis allée dire au président de l’Eglise que l’Eglise devait avoir l’honnêteté de le reconnaître.» Elle obtient donc le titre de pasteur. Dans «Plan fixe», elle analyse: «Je me couvrais un peu de ridicule en faisant cela, mais je me couvrais aussi de gloire, parce que c’était juste!»

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